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Vincent Lemire : « Le fossé n’a jamais été aussi profond entre Jérusalem-Est et Jérusalem-Ouest »

Les troupes israéliennes dans le sud d’Israël, le long de la frontière avec la bande de Gaza, le 14 mai 2021. Les troupes israéliennes dans le sud d’Israël, le long de la frontière avec la bande de Gaza, le 14 mai 2021.

Entretien. Historien, Vincent Lemire, qui a dirigé l’ouvrage Jérusalem. Histoire d’une ville-monde (Flammarion, 2016), est actuellement directeur du Centre de recherche français à Jérusalem. Il analyse cette flambée de violence qui a commencé dans la Vieille Ville et vient rappeler l’enjeu crucial qu’elle représente.

Ces émeutes à Jérusalem et dans les villes mixtes d’Israël sont-elles différentes de celles qui éclatent sporadiquement ?

Oui, clairement, on n’avait pas observé un tel niveau de violence depuis la deuxième Intifada (2000-2005). Ce qui frappe, c’est à la fois l’intensité et la diversité des lieux d’affrontement, mais aussi leur interconnexion.

Jérusalem d’abord, avec depuis des semaines une mobilisation victorieuse de la jeunesse palestinienne pour défendre les espaces publics de la porte de Damas et de l’esplanade des Mosquées. Les villes mixtes israéliennes ensuite, avec des manifestations organisées par les communautés arabes d’Israël (20 % de la population) en soutien aux Palestiniens de Jérusalem, rassemblements qui tournent à l’affrontement avec l’extrême droite israélienne, avec des scènes de lynchage d’une violence insoutenable.

Gaza enfin, avec ce qu’il faut bien appeler une grossière tentative de récupération de la part du Hamas, qui, lundi soir, a choisi de déclencher une nouvelle guerre pour revenir dans le jeu, plutôt que de célébrer dignement la victoire des Palestiniens de Jérusalem.

L’escalade pourrait encore se poursuivre, avec de possibles affrontements en Cisjordanie occupée ou des attentats préparés par les organisations armées du Fatah, avec une opération militaire au sol qui semble se dessiner du côté israélien à Gaza, et avec, ne l’oublions pas, le Hezbollah en embuscade sur le front nord, qui était celui qu’on observait avec le plus d’attention ces derniers mois.

Mais ces réactions en chaîne et cette tendance à la militarisation du conflit ne doivent pas faire oublier ce qui a été le déclencheur de l’escalade en cours : le retour de Jérusalem au cœur des mobilisations de la société civile palestinienne.

Comment expliquer que Jérusalem retrouve cette position de centralité dans le conflit ?

Par un triple retour du refoulé  : Jérusalem avait été volontairement laissée de côté pendant le processus d’Oslo, parce que les négociateurs considéraient que la situation y était inextricable. La longue parenthèse du « processus de paix » étant aujourd’hui définitivement refermée, Jérusalem revient au centre des préoccupations des Palestiniens comme des Israéliens. Et ce d’autant plus – autre vérité refoulée – que la bataille démographique n’y tourne pas à l’avantage d’Israël, contrairement à ce qu’on pourrait penser : 40 % de la population de Jérusalem est aujourd’hui palestinienne, contre 25 % en 1967.

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