Depuis la résurgence du conflit israélo-palestinien, plusieurs pays africains ont été le théâtre de manifestations de soutien au peuple palestinien. Les réactions officielles sont à l’image des relations qu’entretient chacun de ces Etats avec Israël. Si l’Afrique du Sud et l’Algérie martèlent leur position historique de soutien à un Etat palestinien, le Maroc doit gérer une position délicate alors que le royaume a récemment annoncé la normalisation de ses relations avec l’Etat hébreu.
Afrique du Sud : un appel à la communauté internationale
Plusieurs manifestations de soutien aux Palestiniens ont rassemblé des centaines de personnes dans différentes villes du pays au cours de la semaine passée. Vendredi 14 mai, le gouvernement de Cyril Ramaphosa, par la voix de son ministère des relations internationales et de la coopération, a « fermement » condamné « les attaques injustes d’Israël sur les civils palestiniens » dans un communiqué. Il appelle la communauté internationale à intervenir et demande l’ouverture d’une enquête sur les agissements du gouvernement israélien auprès de la Cour pénale internationale (CPI) pour de possibles « crimes contre l’humanité ».
Evoquant une escalade « honteuse » de la part d’Israël, l’Afrique du Sud réclame l’arrêt immédiat des hostilités et l’abandon des « expulsions programmées de familles palestiniennes » dans le quartier de Cheikh Jarrah, à Jérusalem. Le pays réaffirme son soutien de longue date à la reprise de négociations visant à établir un « Etat palestinien viable ».
« Un cycle de violences sans fin »
En février 2020, le président Cyril Ramaphosa avait comparé le processus de paix proposé par l’ancien président américain Donald Trump et le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou au système de bantoustans, ces régions créées durant la période d’apartheid, réservées aux populations noires et qui jouissaient à des degrés divers d’une certaine autonomie.
L’Afrique du Sud est l’un des quelque cent trente pays à reconnaître la souveraineté de l’Etat palestinien. Le pays a établi des relations diplomatiques avec les responsables palestiniens dès 1995, peu de temps après l’arrivée au pouvoir de Nelson Mandela. Mercredi 12 mai, son petit-fils, le député de l’ANC Mandla Mandela, a appelé à la fermeture de l’ambassade d’Afrique du Sud en Israël au cours d’une manifestation au Cap.
Dans un communiqué, la Desmond & Leah Tutu Legacy Foundation estime que la situation actuelle s’inscrit dans « un cycle de violences sans fin qui peut être attribué à une longue série d’injustices faites aux Palestiniens ». Elle appelle les Nations unies à intervenir afin de mettre un terme à « l’escalade vers la guerre civile ».
Au Maroc, embarras après la normalisation
La résurgence du conflit israélo-palestinien a provoqué un malaise dans le pays. Depuis décembre 2020, le royaume a rétabli ses relations diplomatiques avec l’Etat hébreu, en échange de la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Une contrepartie de taille, qui avait permis de faire avaliser la décision auprès d’une grande partie de la population et de calmer le courant d’opinion propalestinien.
Mais les attaques à Jérusalem ont fait oublier la victoire diplomatique du royaume. Des rassemblements de solidarité envers le peuple palestinien ont eu lieu à Rabat et à Casablanca, le 10 mai, avant d’être dispersés par un important dispositif de police. L’indignation s’est alors poursuivie sur les réseaux sociaux, où les internautes s’interrogent sur la position du Maroc, alors que le roi Mohammed VI est président du comité Al-Qods, créé par l’Organisation de la coopération islamique (OCI) pour œuvrer à la préservation du patrimoine de Jérusalem.
Rejet de « toute normalisation avec l’entité sioniste »
Le ministre des affaires étrangères a réagi dans un communiqué le 9 mai, exprimant la « profonde inquiétude » du Maroc face aux « violents incidents » à Jérusalem, sans toutefois prendre clairement position. Nasser Bourita, qui participait à une réunion d’urgence des ministres arabes des affaires étrangères le 11 mai, a rappelé le soutien du pays à la solution des « deux Etats ». Le Maroc a également prévu d’envoyer une aide humanitaire de 40 tonnes de produits alimentaires de première nécessité, médicaments et couvertures « au profit de la population palestinienne en Cisjordanie et dans la bande de Gaza ».
Mais la situation est particulièrement embarrassante pour le chef de gouvernement, Saad-Eddine Al-Othmani, issu du Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste), très attaché à la cause palestinienne. Celui qui avait rejeté catégoriquement « toute normalisation avec l’entité sioniste » en 2019 était resté silencieux après l’accord signé en décembre. M. Al-Othmani a assuré s’être entretenu avec le chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, et avoir érigé la situation des Palestiniens « au sommet de ses préoccupations ». Sous pression, le gouvernement a fini par autoriser un sit-in le 15 mai à Rabat, organisé par des proches du PJD.
L’Algérie dénonce une « politique d’occupation »
L’Algérie a condamné, dimanche 9 mai, « les attaques racistes et extrémistes enregistrées dans la ville occupée d’Al-Qods [Jérusalem] contre des civils palestiniens ». Dans un communiqué du ministère des affaires étrangères, le pays a appelé la communauté internationale à protéger les « lieux saints » et à mettre fin à la « politique d’occupation israélienne des territoires palestiniens ».
A l’issue de la réunion d’urgence du conseil de la Ligue arabe, qui s’est tenue mardi 11 mai, Sabri Boukadoum, ministre des affaires étrangères a exhorté les pays membres à réactiver « la solidarité arabo-musulmane » pour faire avancer la cause palestinienne.
« Résistance héroïque face à l’occupation »
La veille, un rassemblement de soutien a eu lieu au sein de l’ambassade de Palestine, à Alger. Sur les réseaux sociaux, les images en provenance de Jérusalem et de la bande de Gaza sont largement relayées par les internautes.
Dans ses vœux adressés aux Algériens, mercredi 12 mai, à l’occasion de la fête de l’Aïd el-Fitr, le président Abdelmadjid Tebboune a tenu à rappeler « les sacrifices du peuple palestinien frère qui mène une résistance héroïque face à l’occupation ».
L’Algérie, particulièrement engagée dans la défense de la cause palestinienne, a réitéré sa volonté de voir l’établissement d’un Etat indépendant basé sur les frontières de 1967, avec Jérusalem comme capitale. C’est d’ailleurs à Alger, le 15 novembre 1988, que Yasser Arafat avait proclamé la création de l’Etat palestinien.
Le pays, qui ne reconnaît pas Israël, a exclu toute forme de normalisation avec l’Etat hébreu. « Nous n’y participerons pas et nous ne la cautionnons pas », affirmait Abdelmadjid Tebboune, en septembre 2020.
Tunisie : manifestations de soutien
La mobilisation en faveur des Palestiniens a commencé sur les réseaux sociaux avec de nombreux internautes et influenceurs partageant les informations sur les bombardements israéliens à Gaza. A l’initiative de plusieurs mouvements de jeunes issus de la gauche tunisienne et de la société civile, près de trois cents personnes sont sorties manifester sur l’avenue Habib-Bourguiba à Tunis, samedi 15 mai, pour se déplacer jusqu’à l’ambassade de Palestine. Des manifestants ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : « Sauvez Gaza », « Sauvez Cheikh Jarrah » , « Gaza Under Attack ». Des manifestants ont déployé un drapeau géant de la Palestine pendant la manifestation.
Face aux attaques israéliennes
Malgré le confinement en vigueur, une autre manifestation a eu lieu au niveau de la place de la Kasbah, organisée par le parti islamo-conservateur Ennahda. D’autres manifestations de soutien ont eu lieu dans les villes de Sfax et Monastir. Les syndicats du monde enseignant ont aussi appelé les écoles à hisser le drapeau palestinien à côté du tunisien, lundi 17 mai, en signe de solidarité.
Le président de la République tunisienne, Kaïs Saïed, a réaffirmé son engagement en faveur de la cause palestinienne et a salué la résistance du peuple palestinien face aux attaques israéliennes, lors d’un entretien téléphonique avec le chef du bureau politique du Hamas, Imail Haniyeh, mardi 11 mai.
Sénégal : un appel à la désescalade
Le président Macky Sall a appelé le 13 mai à la désescalade dans les territoires palestiniens et en Israël. Ce discours, rappelant l’importance de la cohabitation et du dialogue interreligieux, a été prononcé à l’occasion de la fête de la Korité – l’Aïd el-Fitr, marquant la fin de ramadan – et de l’Ascension. Deux fêtes célébrées le même jour dans ce pays à 95 % musulman.
Après avoir condamné les violences, le chef de l’Etat a rappelé que le Sénégal préside la Comité des Nations unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien depuis 1976. « Il est de notre devoir de faire cet appel, et Israël également est un partenaire, nous l’invitons à tenir compte de la situation et à agir dans le sens de l’apaisement », a-t-il ajouté.
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