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« La réactivation instrumentalisée du passé interdit aux Israéliens de penser leurs avenirs possibles »

Tribune. On peut, on doit déplorer les affrontements entre juifs et Arabes israéliens qui ont secoué la ville de Lod depuis la nuit du 11 au 12 mai. On peut, on doit, condamner le saccage d’un lieu de culte et de commerces juifs par de jeunes émeutiers arabes. On ne peut pas, on n’a pas le droit d’assimiler de tels événements, quelle que soit leur gravité, aux exactions qu’ont connues les juifs d’Europe dans la première moitié du XXe siècle.

Ce qui s’est passé à Lod n’est ni un pogrom comme l’a qualifié le chef de l’Etat israélien ni, encore moins, une « Nuit de cristal » comme d’autres ont cru bon de l’affirmer. D’abord, mais ce n’est peut-être pas le plus important, des exactions ont été commises des deux côtés et l’on a vu avec quelle violence des groupes de suprémacistes juifs s’en sont pris à des citoyens arabes dans plusieurs localités du pays.

Que l’on sache, dans la vieille histoire des persécutions contre les juifs dont l’Europe a été le théâtre durant des siècles, jamais ces dernières n’ont été des réponses à des attaques juives contre leurs voisins. Il faut donc remettre l’histoire à l’endroit. Ce qui se passe aujourd’hui en Israël, la haine qui grandit entre la population juive largement majoritaire, et la population arabe minoritaire et réduite à une citoyenneté de seconde zone, n’a rien à voir avec le passé.

Une accumulation de frustrations

Elle résulte à la fois d’une accumulation de frustrations ressenties par les Arabes israéliens dont les droits et la place au sein de la société dominante ne cessent d’être restreints, et d’une montée en puissance d’une extrême droite juive dont la politique de M. Netanyahou a levé toutes les inhibitions.

Mais le pire, si l’on peut dire, est l’instrumentalisation systématique par tous les pouvoirs israéliens depuis des décennies d’une mémoire victimaire érigée en ciment de la légitimité de leurs politiques. L’affaire ne date pas d’aujourd’hui. Déjà, en son temps, le président égyptien Gamal Abdel Nasser (de 1956 à 1970) fut présenté comme une réincarnation d’Hitler par la propagande israélienne.

Ce fut ensuite au tour de Yasser Arafat (1929-2004) d’être taxé d’avatar du Führer. Et l’on ne peut oublier que Yitzhak Rabin (1922-1995) fut lui-même caricaturé en Hitler par les partisans de M. Netanyahou pour avoir signé les accords d’Oslo (1993). De même, toute critique des avancées de la colonisation israélienne dans les territoires palestiniens occupés est revêtue de l’infamant stigmate de l’antisémitisme par les dirigeants de l’Etat, à commencer par son premier ministre qui ne recule devant aucun amalgame pour justifier la politique d’occupation démographique de la Cisjordanie afin de rendre impossible la création d’un Etat palestinien.

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