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Une entreprise de fabrication de vêtements à Johannesburg, en Afrique du Sud, le 4 mars 2021. SIPHIWE SIBEKO / REUTERS
Tribune. Le 18 mai, le président français Emmanuel Macron, qui a appelé à des « règles de financement plus équitables pour les économies africaines », accueille un sommet international sur le financement de la reprise économique sur le continent.
La coordination internationale sera essentielle pour égaliser l’accès au financement du développement et atténuer le risque d’une reprise mondiale à deux vitesses, qui menace de creuser encore davantage l’écart de revenus entre l’Afrique et les autres régions du monde.
En particulier, le ralentissement engendré par la pandémie a amplifié l’un des plus grands obstacles au développement de l’Afrique, à savoir la « prime de perception », c’est-à-dire la perception excessive du risque assignée à la région chaque année, indépendamment de l’amélioration des fondamentaux macroéconomiques ou de la conjoncture économique mondiale.
Lors de la dernière assemblée générale annuelle du Fonds monétaire international (FMI), la directrice générale Kristalina Georgieva a fait remarquer qu’il fallait « s’attacher à réduire le risque perçu et réel lié à l’investissement en Afrique, afin que l’énorme disponibilité de financements pour le reste du monde profite également à l’Afrique ».
Rétrograder au niveau « risque élevé »
Au cours des deux dernières décennies, l’Afrique a toujours été l’une des régions du monde à la croissance la plus rapide, notamment grâce à des économies en plein essor comme celles de l’Ethiopie, du Rwanda et de la Côte d’Ivoire. Signe de leur résilience, plusieurs pays africains ont affiché une croissance de leur PIB pendant le ralentissement engendré par la pandémie.
Malheureusement, ces succès semblent n’avoir eu que peu ou pas d’impact sur l’appréciation des risques. L’Afrique du Sud – l’économie la plus développée du continent, qui représente plus de 20 % du commerce intra-africain et a été le principal moteur du commerce et des investissements transfrontaliers dans la région – et plusieurs autres pays ont été rétrogradés au niveau « risque élevé ». Ces déclassements ont allongé la liste déjà longue des nations africaines considérées comme très risquées et soumises à des taux d’emprunt élevés.
Les paiements des intérêts sont devenus l’un des postes budgétaires qui augmente le plus vite, dépassant les budgets de santé de plusieurs pays. En Zambie, ils ont été multipliés par près de treize en l’espace d’une décennie, passant d’environ 63 millions de dollars par an à plus de 804 millions de dollars par an à la fin 2019. A travers l’Afrique, les dépenses annuelles liées aux taux d’intérêt ont été multipliées par plus de trois sur la même période et représentent environ 24,9 milliards de dollars.
D’après une étude réalisée en 2015 par l’université du Michigan, les Etats africains ont payé un supplément d’environ 2,9 % par rapport au reste du monde, soit 2,2 milliards en plus entre 2006 et 2014. Ce chiffre a probablement augmenté depuis, notamment à la suite des nombreuses dégradations des notations.
Des taux d’intérêt élevés
Ceci constitue un obstacle majeur à la viabilité des finances publiques et de la dette, et à la transformation structurelle des économies africaines. Bien que la dette extérieure de l’Afrique soit nettement inférieure – en termes absolus et par habitant – à celle des économies avancées, le rapport entre les paiements du service de la dette extérieure et les recettes est nettement plus élevé, illustrant le coût prohibitif des taux d’intérêt qui freine la croissance et augmente les services de la dette.
L’exposition de la région aux chocs récurrents concernant les prix des produits de base, qui tendent à creuser le déficit commercial et budgétaire et à aggraver les contraintes de liquidité, est un facteur de risque important. La transformation structurelle des économies africaines en vue de diversifier les sources de croissance et de commerce réduira ces risques au fil du temps.
A cette fin, il faudra, comme l’ont souligné à juste titre le président Macron et la directrice générale du FMI, Mme Georgieva, injecter régulièrement des sommes importantes de capitaux pour stimuler l’investissement au-delà du secteur des ressources naturelles. Toutefois, les taux d’intérêt élevés et les surcoûts de perception des risques exorbitants constituent probablement les obstacles les plus importants à cette transformation structurelle.
La communauté internationale a réagi rapidement à la pandémie, et plusieurs initiatives ont été adoptées pour aider les pays à faible revenu à faire face aux contraintes de liquidité et aux pressions croissantes sur la balance des paiements. A court terme, ces initiatives sont susceptibles de réduire les coûts du service de la dette et de renforcer la capacité des pays éligibles à gérer la crise liée au Covid-19. Néanmoins, elles ne s’attaquent pas aux obstacles fondamentaux au développement de l’Afrique.
Tant que des mesures ne seront pas prises pour se défaire des préjugés historiques et intégrer des réalités plus positives ainsi que la diversité des situations de l’Afrique dans les modèles d’appréciation des risques, les pays de la région continueront de connaître le surendettement. La transformation structurelle des économies pour réduire leur exposition à la volatilité du marché mondial restera difficile à réaliser.
Les taux d’intérêt élevés et les surcoûts de perception ne sont pas justifiés par les données macroéconomiques fondamentales ni par les profils de risque des pays. Ils ne sont même pas justifiés par le contexte économique et financier mondial, où les taux d’intérêt s’approchent de zéro à la suite des programmes d’assouplissement quantitatif mis en œuvre par les banques centrales.
Dans cette optique, il faut espérer que le sommet international du 18 mai permettra d’écarter ce risque et d’inciter les investisseurs et les décideurs politiques du monde entier à permettre un accès équitable aux ressources financières mondiales.
Hippolyte Fofack est économiste en chef à la Banque africaine d’import-export.
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