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Binationaux, doit-on vraiment leur laisser le choix?

La binationalité permet à de nombreux footballeurs de choisir jusqu’au dernier moment les couleurs nationales qu’ils veulent défendre voire de changer d’avis en cours de route. Entre les longues hésitations, les choix opportunistes ou les décisions prises par esprit de vengeance et/ ou par intérêt personnel, on peut légitimement s’interroger sur le degré de sincérité de certains footballeurs. C’est pourquoi il est temps de mettre fin à cette pratique. L’opinion de Sébastien, abonné à la revue After Foot. Retrouvez tous les articles des abonnés de After Foot la revue sur https://afterfoot.media

Le 14 mai dernier, la FIFA a entériné le rattachement d’Aymeric Laporte à la fédération espagnole de football. L’ancien capitaine de l’équipe de France Espoirs, sélectionné avec l’Equipe de France A, mais ne comptant aucune apparition sous le maillot bleu, jouera très certainement l’Euro sous les couleurs de l’Espagne. Ce n’est pas un cas isolé, ce phénomène est en pleine expansion dans le milieu du ballon rond.

Devenu presque normal dans certains sports, le fait de changer d’équipe nationale peut déranger dans le football. Les supporters sont aujourd’hui habitués à voir les joueurs partir de leur club de cœur, mais ils ont plus de difficulté à accepter ce changement en sélection. Le nationalisme, comme le « clubisme » dans certains championnats, peut en être la source. Malgré cette pression populaire, à la fin, ce sont les joueurs qui choisissent.

Même si chaque cas est différent, nous pouvons essayer de catégoriser ces choix. Avec la mondialisation et la migration des populations, certains joueurs se sentent obligés de choisir entre deux pays, ce qui revient aussi à choisir entre deux parents, deux cotés de la famille et deux cultures. Raphaël Guerreiro et Anthony Lopes sont nés en France et ont choisi le Portugal. Ryad Boudebouz et Aïssa Mandi, internationaux algériens, sont également nés en France, tout comme les frères Ayew qui représentent le Ghana ou Mehdi Benatia le Maroc.

A contrario, certains choisissent leur pays d’adoption. Les champions du monde français Samuel Umtiti, Marcel Desailly ou Claude Makélélé sont nés à l’étranger. Jamaïcain de naissance, Raheem Sterling a choisi l’Angleterre. Ivan Rakitic, qui aurait pu jouer pour la Suisse, a choisi la Croatie. Ils ont alors fait le choix du cœur mais aussi de la carrière sportive.

D’autres le font plus par « opportunisme ». A l’image d’Aymeric Laporte, de nombreux espoirs français ont finalement revêtu les couleurs d’une autre nation une fois chez les A. Récemment, Abdou Diallo a choisi le Sénégal. Avant lui, Sébastien Haller et Maxwell Cornet avaient choisi la Côte d’Ivoire, comme Sofiane Feghouli l’Algérie. Dans la mesure où il était peu probable qu’ils soient un jour appelés en Equipe de France A, leur choix est alors compréhensible.

Il est plus difficile à concevoir pour Geoffrey Kondogbia ou Paul-Georges Ntep. Les deux joueurs comptent respectivement cinq et deux sélections avec les Bleus. Ils sont aujourd’hui internationaux centrafricain et camerounais. A l’étranger, Declan Rice a joué trois matches avec l’Irlande avant de choisir l’Angleterre. Être un joueur binational offre aussi la possibilité de faire une carrière internationale. Jérémy Morel, Andy Delort et Ludovic Obraniak sont nés en France et ont respectivement joué pour Madagascar, l’Algérie et la Pologne. Sans leurs origines, ils n’auraient certainement pas eu de carrière internationale.

Ces exemples sont nombreux, et nous les retrouvons à plusieurs niveaux, dans plusieurs pays. Lors de la CAN, plusieurs joueurs de Ligue 2 rejoignent les sélections africaines. Il y a également les joueurs brésiliens naturalisés ukrainiens, qataris ou chinois. Ils n’auraient certainement jamais joué pour la Seleção. Tout comme Willi Orban qui a choisi la Hongrie aux dépens de l’Allemagne.

A l’inverse, des joueurs sont obligés de choisir entre deux nations, deux sélections de très haut niveau. Luis Fernandez et David Trezeguet ont porté le maillot bleu alors qu’ils auraient pu être respectivement internationaux espagnol et argentin. Au contraire de Gonzalo Higuain, qui a choisi l’Argentine, et non l’Equipe de France. A l’étranger, de nombreux brésiliens de naissance ont choisi d’autres sélections majeures. Tiago Alcantara et Diego Costa ont choisi l’Espagne, Deco et Pepe le Portugal, Thiago Motta et Jorginho l’Italie.

Aymeric Laporte a choisi l’Espagne pour d’autres raisons. Boudé par Didier Deschamps, il a décidé de faire une croix sur l’Equipe de France. Théo Hernandez, le frère du champion du monde français Lucas, avait également fait ce choix avec les Espoirs. Il espère aujourd’hui jouer avec les Bleus. Il serait intéressant de savoir quelle décision prendrait Karim Benzema aujourd’hui s’il avait encore le choix…

Être international par opportunisme semble compliqué à comprendre, notamment lorsque les joueurs ont déjà connu une autre sélection auparavant. A titre d’exemple, Munir El-Haddadi a joué un match amical sous les couleurs espagnoles avant de finalement choisir le Maroc. L’idée pourrait être d’imposer un choix définitif une fois arrivé en A.

Si cette règle existe lors des matchs de compétitions internationales, il serait intéressant de l’élargir aux matchs amicaux. On ne peut changer de nation comme de club. Il est aussi juste de rappeler que certains n’ont pas le choix, ils sont issus de familles d’un seul et même pays. Le fait de choisir une sélection plutôt qu’une autre ne demande pas à la personne de renier ses origines. De nombreux joueurs assument clairement leur double culture. Karim Benzema et Nabil Fékir n’ont jamais caché leur attachement pour l’Algérie tout en portant le maillot de l’Equipe de France. A l’étranger, les allemands Mesut Özil et Lukas Podolski ont régulièrement clamé leur amour pour la Turquie et la Pologne.

Porter le maillot de la sélection nationale ne peut pas être seulement un choix sportif, c’est également un choix d’homme.

Sebastien, After Foot la revue

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