Quelque 14 millions de Chiliens sont appelés aux urnes, ce week-end, pour élire les citoyens qui rédigeront la première constitution démocratique de leur histoire, rompant ainsi avec celle héritée de la dictature d’Augusto Pinochet. L’ Assemblée constituante sera paritaire, une première dans le monde et marquera de profondes réformes sociales suite au mouvement de contestation d’octobre 2019.
Au Chili ont lieu, samedi 15 et dimanche 16 mai, des élections clés, où quelque 14 millions de Chiliens votent pour élire parmi 1 373 candidats, 155 élus à parité chargés de rédiger une nouvelle constitution pour le pays. Le scrutin, déjà reporté de trois semaines, a été étalé sur deux jours pour limiter les possibilités de contagion au Covid-19, et comprendra également des élections locales de maires, de conseillers municipaux et, pour la première fois, de gouverneurs régionaux.
« Cette élection définira la Constitution qui nous guidera pour les 40 ou 50 prochaines années », souligne Claudio Fuentes, universitaire à l’École de sciences politiques de l’université Diego Portales.
Ce scrutin est « certainement » le plus important en 31 ans de démocratie, estime-t-il, car « un nouveau Chili est en jeu ».
Remplacer la Constitution rédigée en 1980 sous le régime militaire d’Augusto Pinochet (1973-1990) était une des revendications issues du plus grand soulèvement social des dernières décennies amorcé en octobre 2019 pour réclamer une société plus égalitaire.
Les Chiliens avaient voté, le 25 octobre 2020, en très forte majorité, en faveur d’une nouvelle constitution pour remplacer celle héritée de l’ère Pinochet, lors d’un référendum organisé un an après un soulèvement populaire.
« C’est comme si on commençait vraiment à se débarrasser de « Pinocho » (le surnom donné à Pinochet par ses détracteurs, NDLR), de son ombre, de son héritage, de tout », estime Carmela Urquiza, une fonctionnaire de 62 ans, résidant à Santiago.
Le changement de la loi fondamentale actuelle, qui limite fortement l’action de l’État et promeut l’activité privée dans tous les secteurs, notamment l’éducation, la santé et les retraites, est vu comme la levée d’un obstacle essentiel à de profondes réformes sociales dans un pays parmi les plus inégalitaires d’Amérique latine. Selon les sondages, plus de 60 % de la population estime que la Constitution actuelle a créé un système qui profite à un petit nombre de privilégiés.
« Le Chili a l’occasion de réaliser sa deuxième transition (politique), ça aura pris trois décennies en raison de la trop forte tendance au statu quo du système de partis traditionnels », explique Marcelo Mella, politologue à l’université de Santiago.
Première Assemblée paritaire au monde
Ce processus électoral est le premier au monde à élire une Assemblée constituante sur une base paritaire, où autant de femmes que d’hommes rédigeront la nouvelle feuille de route chilienne. Il marquera également l’histoire du pays en réservant 17 sièges aux 10 peuples autochtones du Chili.
Emilia Schneider, figure de proue du mouvement féministe chilien, est à 24 ans candidate à la nouvelle Assemblée et l’une des rares femmes transgenres à être connue du grand public chilien.
« Aujourd’hui nous pouvons apporter une façon de repenser la démocratie au Chili, construire une meilleure démocratie, plus profonde, plus directe, plus délibérative, paritaire comme ce processus de la Constituante, qui sera la première assemblée paritaire de ce genre dans le monde. », explique Emilia Scheider, qui met également en avant le quotidien des personnes transgenre, dans un pays très conservateur. « Nous, les personnes transgenres, les femmes, les mouvements sociaux, étions traditionnellement des groupes exclus de la politique.(…) Nous voulons donner à la discussion de cette Constitution une perspective féministe de genre et sur les dissidences sexuelles. »
« Très difficile de faire des prédictions »
L’opposition de gauche, dispersée sur 69 des 70 listes en lice, entend proposer un nouveau modèle pour le pays, avec différents droits sociaux garantis, comme l’éducation, la santé ou le logement.
De leur côté, les candidats de la droite au pouvoir regroupés sur une seule grande liste alliée à l’extrême droite défendent le système actuel, qui, selon eux, a favorisé la croissance économique du pays.
Les prédictions sur la composition des forces politiques qui formeront l’Assemblée constituante sont hasardeuses, mais la difficulté des candidats indépendants à se faire connaître devrait privilégier les partis traditionnels.
« Il y a beaucoup de nouvelles variables en jeu : c’est une élection sans précédent dans un contexte de pandémie, avec un système de parité, avec des sièges réservés, et avec des listes d’indépendants. Tout cela est nouveau. Il est donc très difficile de faire des prédictions, et nous ne savons pas avec certitude combien de personnes iront voter », note Claudio Fuentes, universitaire à l’École de sciences politiques de l’université Diego Portales
Le scrutin est vu par les analystes comme un test décisif avant l’élection présidentielle de novembre prochain. Les premières estimations sont attendues dimanche en début de nuit.
Quant à la nouvelle constitution, elle devra être rédigée dans un délai de neuf mois, prolongeable une seule fois de trois mois supplémentaires. Elle devra ensuite être approuvée ou rejetée en 2022 par un référendum à vote obligatoire.
Avec AFP
L’article Vote historique au Chili pour une première Assemblée constituante est apparu en premier sur zimo news.