L’évolution des forêts européennes fait l’objet d’une controverse scientifique inhabituelle dont la revue Nature se fait l’écho. Le stock d’arbres est-il ou non en train de régresser dans l’UE ? Au-delà des débats méthodologiques sur les moyens de le savoir, ce débat pose la question du rôle alloué à ces écosystèmes reconnus comme de précieux capteurs de carbone à l’heure où la lutte contre le réchauffement climatique se fait pressante. Or une étude menée par une équipe du Centre commun de recherche (JRC en anglais) – un service scientifique interne de la Commission européenne basé à Ispra en Italie –, a sérieusement mis en cause l’idée répandue selon laquelle la forêt aurait globalement tendance à s’étendre depuis le XIXe siècle dans cette partie du monde.
En réalité, observent les auteurs de l’étude, essentiellement grâce à l’analyse de données de télédétection, les coupes d’arbres se sont brusquement intensifiées ces dernières années. Selon leurs calculs, pour la période 2016-2018, la superficie des parcelles exploitées aurait augmenté de 49 % par rapport à 2011-2015, ce qui correspondrait à une hausse de 69 % de la biomasse de bois récoltée, les plantations étant plus denses qu’auparavant. Ils relient leurs résultats à un rebond économique à l’échelle mondiale : la ruée sur le bois est motivée par les besoins du secteur de la construction et de l’emballage, entre autres, mais aussi par ceux des centrales thermiques. Le risque de surexploitation pourrait compromettre les objectifs européens d’atténuation du changement climatique dans les prochaines décennies.
Levée de boucliers
Présentées dans Nature le 1er juillet 2020, leurs conclusions ont suscité une levée de boucliers immédiate. Ainsi, deux jours plus tard, un commentaire critique d’une trentaine d’experts et de chercheurs parvenait-il à la revue scientifique. Puis un autre, fin août, signé d’un groupe de sept experts, qui dénonçait aussi des erreurs dans le travail de l’équipe du JRC menée par Guido Ceccherini. Au même moment, cinq d’entre eux publiaient dans Global Change Biology un point de vue affirmant, au contraire des conclusions de l’étude du JRC, qu’une transition des forêts en régression vers des forêts en expansion était à l’œuvre depuis le milieu du XXe siècle. Ils soulignaient que la gestion sylvicole « a joué un rôle majeur » dans cette tendance. Et concluaient à « une augmentation de la biomasse et du carbone stocké dans de vastes régions du globe », bien que celle-ci n’ait « pas encore été pleinement reconnue ni quantifiée ». Tel est bien le problème, car pour estimer l’évolution du carbone stocké, il faut pouvoir évaluer celle des forêts.
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