Il y a dix ans, des dizaines de milliers d’« indignés », plus souvent appelés « 15-M », investissaient les places en Espagne, protestant contre la crise, le chômage, la corruption. Une nouvelle forme de contestation qui a inspiré jusqu’à New York. Trois ans plus tard, Podemos, un nouveau parti de gauche radicale, catalyse une partie de leurs aspirations, même si nombre d’« indignés » refusent de le considérer comme leur seul héritier. Dix ans après, que reste-t-il en Espagne du mouvement et de sa traduction politique ?
La sociologue Héloïse Nez, enseignante-chercheuse à l’université de Tours, spécialiste de la démocratie participative et des mouvements sociaux, a répondu à nos questions.
Pouvez-vous nous rappeler comment les « indignés » sont apparus il y a dix ans en Espagne ?
Dimanche 15 mai 2011, à une semaine des élections municipales et régionales espagnoles, une mobilisation citoyenne inattendue s’empare de la place de la Puerta del Sol, à Madrid. Plusieurs collectifs, regroupés au sein de la plate-forme Democracia real ya [« une vraie démocratie, maintenant »], convoquent ce rassemblement par les réseaux sociaux. Le soir, des jeunes installent un campement improvisé sur la place, en réponse à la répression policière de la fin de la manifestation.
C’est le début d’une longue et massive mobilisation citoyenne à l’échelle nationale qui s’inscrit dans le sillage des « printemps arabes ». En Espagne, on s’en souvient comme le mouvement du 15-M et en France comme de celui des « indignés ». Ces manifestants protestaient pour une véritable démocratie et dénonçaient, entre autres, le bipartisme, la corruption, le système électoral : « no nos representan » [« ils ne nous représentent pas »], scandaient-ils. Pour la plupart éduqués, ils étaient de tous les âges et ne se réclamaient d’aucun parti, n’avaient pas de leader. Les participants du 15-M tentaient de s’autogérer et de créer un nouveau mode de fonctionnement démocratique sur la place publique, notamment au travers d’assemblées sans délégation de pouvoir.
Dans quelle mesure les « indignés » ont-ils influé sur la politique et la société espagnoles ?
Ce qui est certain, c’est que ce mouvement a profondément modifié la société espagnole. Le paysage politique et institutionnel a été transformé, sans pour autant mettre complétement fin au bipartisme : l’alternance au gouvernement du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et du Parti populaire (PP) [libéral-conservateur], qui restent les partis les plus importants. Néanmoins, de nouveaux partis influents se sont développés.
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