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William Darity : « Adopter un plan de réparation de l’esclavage pour tenter de guérir le monde »

William Darity, économiste et professeur de politiques publiques à l’université Duke (Caroline du Nord). William Darity, économiste et professeur de politiques publiques à l’université Duke (Caroline du Nord).

William Darity est économiste et professeur de politiques publiques à l’université Duke (Caroline du Nord). Son dernier livre, écrit avec Kirsten Mullen, intitulé From Here to Equality : Reparations for Black Americans in the Twenty-First Century (University of North Carolina Press, 2020, non traduit) plaide pour l’adoption d’un plan de réparation destiné à compenser les inégalités de richesses issues de siècles d’esclavage, de ségrégation et de discriminations. Les deux auteurs mesurent les effets de cumul intergénérationnels de décennies de politiques discriminatoires en matière de logement, d’éducation, de violences policières, d’incarcération de masse, et calculent le rôle de l’esclavage dans le développement économique des Etats-Unis, pour ensuite évaluer le coût littéral de l’inégalité raciale et proposer un plan de réparation, souvent cité dans les débats publics. Alors qu’un projet de loi, soutenu par le président Joe Biden, vient d’être adopté par la commission des affaires judiciaires de la Chambre des représentants, William Darity expose les tenants et aboutissants des réparations financières à la communauté des descendants d’esclaves.

Quel principe l’idée de réparations financières sous-tend-elle ?

L’exemple le plus familier pour beaucoup est probablement celui des réparations versées par le gouvernement allemand aux victimes de la Shoah. Le gouvernement des Etats-Unis a fait de même en 1988 pour la communauté américano-japonaise injustement incarcérée pendant la seconde guerre mondiale. Il serait approprié d’en faire de même pour les Noirs américains. Les réparations concernent des descendants d’esclaves, mais elles ne sont pas exclusivement fondées sur l’esclavage car elles doivent également comprendre un siècle de ségrégation légale (la période des lois « Jim Crow » entre 1876 et 1964) ainsi que les préjudices qui persistent jusqu’à aujourd’hui : l’incarcération massive, les exécutions policières de Noirs non armés, la discrimination continue en matière de crédit, de logement, d’emploi, et l’indicateur ultime des effets cumulatifs intergénérationnels de l’injustice raciale qu’est l’énorme disparité raciale de richesse aux Etats-Unis.

Vous insistez sur le fait que ce n’est pas un programme anti-pauvreté. Selon vous, mêmes les Noirs descendants d’esclaves aisés devraient pouvoir en bénéficier ?

Oui, si une dette est due, elle doit être payée, quelle que soit la situation économique actuelle des individus. Les Américains blancs les plus pauvres, ceux dont les revenus se situent dans les 20 % inférieurs, ont un niveau de patrimoine médian supérieur au patrimoine médian de l’ensemble des ménages noirs américains. Quant aux Noirs américains les plus pauvres, leur niveau médian de patrimoine est en fait plus proche de zéro. Donc, même si nous devions comparer un pauvre à un autre pauvre, le fossé racial est toujours assez significatif.

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