Les deux géants français de l’eau et des déchets Veolia et Suez, rivaux depuis 150 ans, ont scellé vendredi soir l’accord qui verra le premier mettre la main sur une bonne part du second, réduit pour l’essentiel à ses activités françaises.
Après des mois de bataille financière, politique et médiatique, le traité de paix a été formalisé et approuvé par les conseils d’administration des deux groupes, reprenant largement le contenu de l’entente trouvée il y a un mois au terme d’une médiation éclair.
Cet « accord de rapprochement » permet à Veolia « d’acquérir les actifs stratégiques nécessaires à son projet de construction du champion mondial de la transformation écologique, tout en garantissant un périmètre industriel et social cohérent et pérenne pour le nouveau Suez », explique un communiqué commun.
Veolia y confirme ses engagements sociaux (maintien de l’emploi et des statuts sociaux des salariés), mais aussi que le prix d’acquisition de Suez sera relevé à 20,50 euros par action (dividende inclus), valorisant sa cible à quelque 13 milliards d’euros.
« Aucune réjouissance de notre côté bien au contraire, seulement le constat d’un énorme gâchis industriel et d’une incertitude sociale plus que jamais prégnante pour les salariés de Suez », ont néanmoins réagi vendredi soir dans un communiqué les syndicats CFDT, CFTC et CGT de Suez.
Le conseil d’administration de ce dernier a jusqu’au 29 juin pour émettre un « avis motivé » recommandant l’OPA de son rival de toujours.
Suez a longtemps ferraillé pour contrarier l’offensive de Veolia, jusqu’à un armistice conclu le 11 avril dans un hôtel parisien, sous les auspices de l’ancien patron historique de Suez, Gérard Mestrallet, et du cabinet de médiation Equanim. Les deux groupes s’étaient alors donné jusqu’à ce vendredi pour formaliser leur accord.
Veolia va racheter une large part des activités de Suez à l’international — Etats-Unis, Amérique latine, Espagne, Australie, Royaume-Uni — pour peser environ 37 milliards d’euros de chiffre d’affaires (contre 26 milliards en 2020), avec quelque 230.000 salariés. Le groupe aura 5% de part du marché mondial dans ses secteurs d’activité.
Son rival a sauvé sa peau mais en sortira très diminué: le « nouveau Suez » fera moins de la moitié du groupe actuel, avec un chiffre d’affaires de près de 7 milliards d’euros contre 17,2 milliards en 2020. Il doit garder, outre la France, des actifs dans l’eau, son métier historique, en Italie, au Sénégal, en Inde et en Chine.
La guerre avait commencé fin août, quand Veolia a proposé de racheter les 29,9% détenus par Engie dans Suez. Au grand dam de ce dernier qui n’a toutefois pas réussi à empêcher la vente, conclue dès octobre, et se trouvait à la merci d’une OPA ayant de fortes chances de réussir.
– Objectif fin 2021 –
Veolia espère cet été l’aval des autorités de la concurrence, et l’objectif pour mener à bien l’OPA et la création du nouveau Suez est fixé à la fin 2021.
Concrètement, Veolia prévoit dans la foulée de son OPA de céder assez d’actifs pour maintenir le « nouveau Suez » indépendant, largement concentré sur l’eau et la France, et devant être repris par de nouveaux actionnaires.
Un accord de principe a ainsi été signé vendredi entre les deux groupes et un consortium d’investisseurs constitué des fonds Meridiam et GIP, ainsi que de la Caisse des Dépôts, indique le communiqué vendredi.
GIP et Meridiam, à hauteur de 40% du capital chacun, et le Groupe CDC (avec sa filiale la CNP Assurances) à hauteur de 20%, deviendraient les actionnaires de la nouvelle entité. Leur offre prévoit dans un deuxième temps un actionnariat salarié à hauteur de 3%, qui pourrait être porté à 10% d’ici à 7 ans, précise-t-on vendredi.
Ce consortium « s’engage sur le long terme auprès du nouveau Suez et sera en mesure d’apporter un soutien à son développement et sa croissance », ajoute le communiqué, sans précisions.
Il devra remettre à Veolia une « offre ferme » d’ici au 29 juin. Son prix, non dévoilé, devait être « en cohérence » avec celui proposé par Veolia pour l’ensemble de Suez.
Le PDG de Veolia Antoine Frérot a salué vendredi « un pas de géant pour Veolia, pour l’école française de la transformation écologique et pour la préservation de l’environnement », et un accord qui selon lui « ne fait que des gagnants ».
Pour le directeur général de Suez Bertrand Camus, le futur Suez « bénéficiera d’une base industrielle et technologique robuste. Porté par un actionnariat stable avec une place importante réservée aux salariés, il aura une forte capacité de développement à l’international ».
La procédure d’information-consultation des CSE de Suez peut d’ores et déjà démarrer.
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