Deux ans après la révolution au Soudan, le Premier ministre Abdallah Hamdok déclare à l’AFP vouloir profiter d’une conférence internationale à Paris le 17 mai pour attirer des investisseurs et permettre d’effacer la dette extérieure de 60 milliards de dollars de ce pays naguère au ban de la communauté internationale.
A la tête du gouvernement de transition, cet économiste chevronné, passé par l’ONU, est arrivé au pouvoir après la chute de l’ancien président Omar el-Béchir, destitué après trente ans d’un règne sans partage, marqué par les conflits armés, une économie exsangue et de lourdes sanctions internationales.
Le gouvernement Hamdok a oeuvré depuis deux ans pour rétablir l’économie du pays et réintégrer Khartoum sur la scène internationale.
« Nous avons déjà réglé nos arriérés dus à la Banque mondiale et à la Banque africaine de développement. A Paris, nous traiterons nos arriérés auprès du Fonds monétaire international », affirme M. Hamdok à l’AFP.
Khartoum a annoncé le 5 mai l’obtention d’un prêt de 425 millions de dollars financé par la Suède, le Royaume-Uni et l’Irlande pour solder ses arriérés auprès de la BAD. Sa dette envers la Banque mondiale a été remboursée grâce à une aide des Etats-Unis de 1,15 milliard de dollars.
M. Hamdok prévoit notamment de parler lundi d’une « remise de dette avec le Club de Paris », le « plus important créancier » du Soudan avec environ 38% de ses 60 milliards de dollars de dette extérieure.
Le président français Emmanuel Macron ainsi que des représentants de la Banque mondiale et du FMI sont aussi attendus à la conférence.
« Nous (y) allons pour permettre aux investisseurs étrangers d’examiner les possibilités d’investissements » particulièrement dans les secteurs de l’énergie, des infrastructures, de l’agriculture et des télécommunications, a déclaré le dirigeant soudanais.
Mais « nous ne cherchons pas de subventions ni de dons », a-t-il averti.
– Défis –
Les Etats-Unis ont retiré en décembre le Soudan de leur liste noire des Etats accusés de soutenir le « terrorisme », levant dans la foulée de lourdes sanctions qui faisaient obstacle aux investissements.
Pour satisfaire les demandes des institutions financières internationales, les autorités ont réduit les subventions étatiques et adopté un régime de change flottant, qui a entraîné un bond de l’inflation.
Malgré leur impopularité auprès des Soudanais, ces réformes sont nécessaires pour arriver à alléger la dette « d’ici la fin de l’année », affirme M. Hamdok.
Les défis restent toutefois nombreux, à commencer par restaurer la paix sur le territoire.
Les autorités de transition se sont engagées à mettre fin aux conflits internes, dont celui au Darfour où les violences ont fait environ 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés depuis 2003, selon l’ONU.
Khartoum a signé en octobre un accord de paix historique avec plusieurs groupes insurgés au Darfour (ouest), ainsi que dans les Etats du Kordofan-Sud et du Nil Bleu (sud-est). Seuls deux groupes rebelles ne l’ont pas signé.
Pour le dirigeant, cet accord représente « 50% du chemin vers la paix » mais les efforts se poursuivent.
« Nous revenons de loin (…) et, à mon avis, la seconde phase de négociations ira beaucoup plus vite », ajoute le Premier ministre.
– Tensions avec l’Ethiopie –
Par ailleurs, les tensions avec l’Ethiopie voisine se sont exacerbées ces derniers mois en raison d’un contentieux frontalier et de l’impasse des négociations sur le Grand barrage de la Renaissance (GERD), construit sur le Nil par Addis Abeba.
Le Caire voit ce barrage comme une menace pour son approvisionnement en eau et le Soudan craint que ses propres barrages ne soient endommagés si l’Ethiopie procède au remplissage complet du GERD sans accord tripartite.
Un cycle de négociations à Kinshasa, sous les auspices du président congolais Félix Tshisekedi –à la tête de l’Union africaine–, a échoué en avril et Addis Abeba, qui a atteint son premier objectif annuel de remplissage en 2020, a décidé de poursuivre ses opérations en juillet.
En outre, Khartoum et Addis Abeba s’accusent régulièrement de violences et de violations territoriales dans la région fertile d’Al-Fashaga, revendiquée par Khartoum, où des milliers d’agriculteurs éthiopiens se sont installés.
« Tous nos litiges peuvent se résoudre par le dialogue », affirme M. Hamdok, gardant espoir.
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