L’éviction de la hiérarchie du Parti républicain de Liz Cheney, validée mercredi, devrait permettre à la jeune Elise Stefanik de devenir la plus puissante femme du parti au Congrès. Une ascension politique qui représente l’un des retournements de veste politiques les plus spectaculaires de ces dernières années.
Elise plutôt que Liz. Si tout se passe comme prévu pour Donald Trump et ses partisans, Elise Stefanik devrait remplacer dans les jours à venir Liz Cheney, pour devenir la plus puissante femme du Parti républicain au Congrès. L’actuelle numéro 3 de la Chambre des représentants a affronté, mercredi 12 mai, un vote de défiance du parti, qui lui reproche ses trop nombreuses critiques contre l’ex-président américain.
Liz Cheney n’y a pas survécu, selon plusieurs élus à la sortie du vote au Congrès, laissant ainsi la voie libre à sa prétendante. Adoubée par l’exilé de Mar-a-Lago en personne et tout ce que les rangs républicains comptent d’élus pro-Trump, Elise Stefanik est en passe de confirmer son statut de “nouvelle star” du “Grand Old Party”.
Une entrée par la gauche du Parti républicain
Et ce n’est pas qu’une bataille de femmes de pouvoir. C’est aussi une “lutte pour l’âme du Parti républicain”, assure le Washington Post. À bien des égards, Liz Cheney apparaît en effet comme bien plus en phase avec l’agenda ultra-conservateur de l’aile droite du parti. Elle a voté beaucoup plus souvent dans le sens voulu par l’ex-président qu’Elise Stefanik, qualifiée de “trop libérale” par divers cercles de réflexion conservateurs.
Cette dernière n’a, en fait, qu’un seul avantage sur sa concurrente : son soutien indéfectible à Donald Trump et à ses délires concernant la supposée fraude électorale qui lui aurait coûté la victoire en novembre 2020. En réalité, l’ascension et la transformation politique d’Elise Stefanik est un condensé de l’évolution du camp conservateur ces dernières années.
Cette jeune femme est entrée sur la scène politique en 2014 par la gauche du Parti républicain. Une arrivée en fanfare : à 30 ans, Elise Stefanik était devenue la plus jeune élue au Congrès en remportant, à la surprise générale, l’élection dans l’État de New York, considéré comme un bastion démocrate depuis vingt ans. Une prouesse qui lui avait valu d’être qualifiée de “futur du Parti républicain”, par Paul Ryan, l’un des républicains les plus influents de l’époque et mentor de la jeune Elise Stefanik.
Sa vision de l’avenir du parti apparaissait comme résolument progressiste. Issue de la prestigieuse université de Harvard, où elle s’est vantée d’avoir cultivé bon nombre d’amitiés parmi la gente estudiantine “libérale” (dans son acceptation américaine qui signifie à gauche de l’échiquier politique), Elise Stefanik affiche une volonté de travailler en bonne entente avec les démocrates.
Elle tiendra cette promesse pendant plusieurs années. Durant ses deux premiers mandats (2014 à 2018), elle a été l’une des élues les plus promptes à collaborer avec le camp adverse sur le plan législatif, a constaté le Lugar Center d’université de Georgetown, un centre américain d’étude sur la bonne gouvernance politique.
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En 2017, elle a même introduit une résolution en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique, affirmant que la protection de l’environnement était “un principe conservateur”. Au grand dam d’une partie de ses collègues républicains qui n’avaient pas une fibre écolo très développée. “Elle était la favorite de tous les démocrates parmi les républicains”, se rappelle un responsable du Parti républicain, qui a préféré garder l’anonymat, interrogé par le magazine Time.
Elise Stefanik digère d’abord mal l’arrivée de Donald Trump comme champion du camp conservateur pour l’élection présidentielle de 2016. Elle critique ses commentaires sur les femmes et refuse de voter pour lui lors des primaires du parti.
Elle continue à s’opposer à lui après son arrivée à la Maison Blanche. Le “muslim ban” (un décret interdisant à des ressortissants de plusieurs pays à majorité musulmane d’entrer aux États-Unis) lui semble trop vague. L’obsession de Donald Trump d’ériger un mur à la frontière avec le Mexique n’est pas “très réaliste” à ses yeux, et elle qualifie de « contraire aux valeurs américaines » la sortie controversée du président au sujet de pays qui seraient des “trous merdiques”.
Elise Stefanik rejoint même un petit groupe de républicains qui promettent de continuer, coûte que coûte, à travailler avec les démocrates pour élaborer des lois bipartisanes. Début 2019, elle est encore l’une des rares membres du parti à voter en faveur d’une loi interdisant les discriminations envers les homosexuels et les transgenres.
Volte-face et théories du complot
Mais cette même année, l’ex-favorite des démocrates bascule sans retenue du côté le plus obscur du « trumpisme ». Sa conversion éclate au grand jour à l’occasion du premier procès en destitution du président. Elise Stefanik rejoint l’équipe chargée de le défendre, et elle reprend à son compte toutes les théories du complot promues par l’entourage du locataire de la Maison Blanche pour contrer les attaques des démocrates.
“Une star est née !”, tweete alors celui qui n’était pas encore banni de tous les réseaux sociaux. La vision d’une jeune femme, connue pour être brillante et ambitieuse, qui monte au créneau pour prêcher la bonne parole plaît à Donald Trump, qui commence alors à faire la promotion d’Elise Stefanik sur les réseaux sociaux.
Elle le lui rend bien. Après la défaite du président sortant face à Joe Biden en novembre 2020, et l’assaut contre le Capitole mené par les partisans de Donald Trump, Elise Stefanik fait la tournée de tous les médias conservateurs pour propager la thèse d’un soi-disant “complot démocrate pour voler l’élection”.
Elle est aussi l’une des 147 républicains à avoir refusé de certifier la victoire de Joe Biden à l’élection présidentielle. “Sa récente promotion au sein du Parti républicain ne vient pas de sa capacité à travailler avec les démocrates ou de sa bonne gestion en tant que représentante de l’État de New York, mais uniquement parce qu’elle a accepté de mentir”, résume Olivia Troye, une ancienne conseillère de l’ex vice-président Mike Pence, interrogée par Reuters.
Pourquoi ce retournement de veste d’Elise Stefanik ? Un élément de réponse est à chercher dans l’État de New York. Cette région profondément rurale a basculé dans le camp de Donald Trump à l’occasion des élections de mi-mandat en 2018 et elle “a compris que soutenir Donald Trump était crucial pour sa propre réélection », explique Margaret Hoover, une analyste politique de centre-droit qui a travaillé avec Elise Stefanik, interrogé par Time.
Elle s’est aussi rendu compte qu’être du côté de Donald Trump pouvait rapporter gros. En 2020, elle a reçu 13,3 millions de dollars en donations de campagne – contre 2,8 millions de dollars en 2018.
Si en plus, cela peut lui permettre de devenir la femme la plus puissante du Parti républicain au Congrès. Mais sa nomination en lieu et place de Liz Cheney “démontrerait clairement qu’aujourd’hui, les valeurs conservatrices ne pèsent plus grand chose au sein d’un Parti républicain dont la seule boussole morale est devenue l’allégeance à Donald Trump”, regrette Bulwark, un site d’information conservateur anti-Trump.
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