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Croissance: pourquoi les Etats-Unis creusent l’écart avec la zone euro

La croissance dans la zone euro est attendue entre 4% et 4,5% en 2021, tandis que les États-Unis devraient facilement dépasser les 6%. Ce différentiel de performance paraît d’autant plus surprenant que les pays européens ont beaucoup plus souffert économiquement des effets de la crise du Covid, ce qui justifierait, un rebond plus rapide. Or ce n’est pas le cas. Malgré une contraction plus élevée de son PIB (-6,6% contre -3,5% pour les États-Unis), la zone euro affiche un rebond économique très inférieur à celui des États-Unis. Quelle est donc la recette de cette réussite américaine?

Une relance américaine à 5.000 milliards

Le montant cumulé de l’impulsion budgétaire qu’ont successivement organisée les présidents Trump et Biden s’élèvent à 5.000 milliards de dollars (4.120 milliards d’euros), du Cares Act (2.200 milliards), au Covid Relief Package (900 milliards) en passant par le American Rescue Plan (1.900 milliards) au cours de l’année 2020 et le début de l’année 2021. A cet énorme effort budgétaire vont potentiellement s’ajouter deux initiatives supplémentaires en faveur d’un énorme plan d’infrastructure (2.300 milliards) et d’un plan de soutien à l’éducation et à la santé de 1.800 milliards de dollars.

Si l’on cumule l’ensemble de ces montants, nous obtenons des dépenses d’aides budgétaires cumulées de l’ordre de 42%

du PIB de 2019. A titre de comparaison, les stimuli qui ont suivi la crise de 1929 et la crise de 2008-2009 ont respectivement atteint 40% du PIB de 1929 et 4,8 % du PIB de 2008. Du point de vue européen, en incluant les stabilisateurs automatiques et l’ensemble des mesures discrétionnaires (y compris le Fonds Euro Nouvelle Génération), l’ensemble des aides budgétaires s’élèvent à 3.840 milliards d’euros soit… 16% du PIB de la zone euro en 2019.

Des stabilisateurs moins puissants, mais un système plus flexible

Ces fonds prévus dans le cadre de programmes de soutien à l’économie américaine ont été, sont et seront dépensés de manière « effective » et rapide. Dans le cas européen, les plans de garantie des prêts, des éléments centraux dans la stratégie de stabilisation mis en place par les gouvernements européens, revêtent un caractère de conditionnalité. Si l’on intègre ces garanties étatiques aux autres mécanismes de soutien budgétaire, on atteint 36% du PIB de la zone euro. Néanmoins, moins de 10% des fonds disponibles ont été utilisés en Allemagne, 70% en Espagne, 40% en France, 20% en Italie (sur la période avril-août 2020). L’impact de telles mesures est donc beaucoup plus diffus par rapport aux orientations américaines qui correspondent à des dépenses directes dans l’économie réelle (des chèques envoyés aux ménages par exemple).

Dans le même ordre d’idées, le mode d’ajustement des économies américaine et européenne a révélé des réactions asymétriques entre les deux régions qui sont typiques de leur mode de fonctionnement en termes de flexibilité. L’Europe se caractérise par des stabilisateurs automatiques beaucoup plus puissants et a même opté, sur un plan discrétionnaire, pour une stratégie visant à avant tout à protéger l’emploi. Ainsi, le taux de chômage en Europe n’a augmenté que de 1,5 point de pourcentage au cours de l’année 2020 (stabilisation légèrement au-dessus de 8% depuis) tandis que le taux de chômage américain passait de 3,5% en février 2020 à 14, 8% en avril 2020 (pour s’être stabilisé depuis à hauteur de 6%). Ces variations brutales du marché de l’emploi, sans vouloir minimiser les difficultés que cela implique sur le plan social, permettent un ajustement beaucoup plus rapide des performances de productivité, ce qui in fine entraîne un rebond beaucoup plus rapide de l’investissement du côté américain.

Une coordination irréprochable sur la vaccination

Dans le contexte actuel, la course à la reprise d’activité est purement et simplement déterminée par la rapidité avec laquelle les gouvernements organisent les campagnes nationales de vaccination. Le président Trump a mis en place une organisation militaire et centralisée qui a porté ses fruits qui eux-mêmes, pour ainsi dire, ont été récoltés par Joe Biden. Ce dernier a pu doubler avec succès son objectif de vacciner plus de 100 millions de citoyens au cours des 100 premiers jours de son administration. L’opération Warp Speed, financée à hauteur de 6 milliards de dollars, était prête dès le mois d’avril 2020 et prévoyait un partenariat public-privé pour le développement, la production et la distribution des vaccins.

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Au rythme actuel de vaccination, les Etats-Unis devraient potentiellement être en mesure de vacciner 100% de sa population dès la fin de l’été 2021, tandis que seuls la Finlande, l’Allemagne, Malte, les Pays-Bas et la Suède seraient susceptibles d’égaler une telle performance en Europe. En parallèle, toutes ces initiatives sur le plan budgétaire et sanitaires ont été accompagnées par des politiques monétaires ultra-expansionnistes. Là-aussi, les Etats-Unis se sont caractérisés par une puissance de feu sans précédent. Les orientations monétaires de la Fed ont ainsi conduit à un afflux de liquidités plus de deux fois plus fortes aux Etats-Unis en comparaison à la zone euro. La coordination entre la Fed et la Maison Blanche témoigne d’une puissance de feu sans comparaison au niveau international. Tout cela explique la surperformance actuelle de l’économie américaine. 

Par Ludovic Subran, chef économiste du groupe Allianz

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