LETTRE DU BENELUX
C’est presque la version décalquée de l’histoire racontée récemment par Claire Koç, cette journaliste de France Télévisions, née en Turquie et qui a grandi en France. Sauf que celle qui s’appelait au départ Cigdem s’est choisi un prénom français, ainsi qu’elle le raconte dans son livre (Claire, le prénom de la honte, Albin Michel, 208 pages, 17,90 euros), tandis que la Néerlandaise Lale Gül n’a, elle, pas songé à en changer.
Pour le reste, la trajectoire des deux jeunes femmes se révèle étonnamment proche : rupture avec une famille turque enfermée dans ses croyances et refusant obstinément l’émancipation, lutte contre l’obscurantisme et le communautarisme, plaidoyer vibrant pour la liberté avec, comme corollaires, les insultes et les menaces.
A 23 ans, Lale Gül a surgi comme un OVNI dans les médias néerlandais et les nombreux talk-shows de la télévision. Les Pays-Bas, qui ne cessent de s’interroger sur l’intégration et semblent revivre à intervalles réguliers le « drame multiculturel » évoqué, en 2000, par le sociologue Paul Scheffer, semblent déconcertés par son récit, intitulé Ik ga leven (« Je vais vivre », Prometheus, non traduit).
Pressions et menaces
Dans ce pays qui subventionne des écoles coraniques, qui accepte très largement le port du voile et où la gauche sociale-démocrate accueille sans trop de complexes les voix de Turcs ultraconservateurs, le principe de la tolérance est aussi, souvent, celui de l’indifférence pour ce qui se déroule réellement dans les communautés étrangères.
Lale, qui a vécu à Kolenkit, un quartier difficile d’Amsterdam, occupe aujourd’hui une chambre d’hôtel. Ses parents ont coupé tous les liens avec elle, même s’ils n’ont pas lu l’histoire de Büsra, l’héroïne du roman très autobiographique de leur fille. Sa mère est analphabète et croyait qu’elle écrivait des histoires d’amour ; son père manie mal la langue néerlandaise, mais se fie à ce qu’il a entendu sur YouTube : un faux résumé, en langue turque, du livre. Et puis, lors de ses visites à la mosquée et ses tournées de facteur, il est interpellé sur les prétendus outrages de sa fille. Alors, il a – en vain – intimé l’ordre à celle-ci de ne plus parler à aucun journaliste, au nom du « respect de la vie privée » de sa famille.
Le frère de la jeune romancière a, lui, maintenu un moment sa relation avec elle. Il savait s’interposer quand le père menaçait de frapper Lale, mais il n’a pas pu résister aux pressions de ses connaissances, fâchées que sa sœur ait osé décrire un rapport sexuel. Elle voulait, par là, signifier qu’une femme a autant le droit qu’un homme au plaisir charnel. Dans la fratrie, il y a aussi une petite sœur, que Lale espère revoir un jour, si du moins elle peut choisir le chemin de l’émancipation.
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