Moins de trois semaines après un premier texte controversé, pour lequel certains signataires sont menacés de sanctions, l’hebdomadaire ultraconservateur Valeurs actuelles a publié, dimanche 9 mai dans la soirée, sur son site Internet un texte présenté comme une nouvelle tribune de militaires pour « la survie de notre pays », lancé cette fois par « des militaires d’active », et ouvert à la signature « des citoyens français qui le trouveraient à la hauteur des enjeux qui sont les nôtres », écrit le magazine. Le texte a obtenu plus de 90 000 signatures quelques heures seulement après sa publication.
« La génération du feu »
« Agissez, Mesdames et Messieurs. Il ne s’agit pas, cette fois, d’émotion sur commande, de formules toutes faites ou de médiatisation. Il ne s’agit pas de prolonger vos mandats ou d’en conquérir d’autres. Il s’agit de la survie de notre pays, de votre pays », écrivent les auteurs dans ce texte porté, selon Valeurs actuelles, par 2 000 militaires et adressé au président de la République, aux ministres, aux parlementaires et aux officiers généraux. Les auteurs disent être « récemment entrés dans la carrière » et précisent qu’ils ne peuvent pas « réglementairement » s’exprimer « à visage découvert ».
« Nous sommes de ce que les journaux ont nommé “la génération du feu”. Hommes et femmes, militaires en activité, de toutes les armées et de tous les grades, de toutes les sensibilités, nous aimons notre pays. Ce sont nos seuls titres de gloire. Et si nous ne pouvons pas, réglementairement, nous exprimer à visage découvert, il nous est tout aussi impossible de nous taire », écrivent-ils pour se présenter.
« Afghanistan, Mali, Centrafrique ou ailleurs, un certain nombre d’entre nous ont connu le feu ennemi. Certains y ont laissé des camarades. Ils ont offert leur peau pour détruire l’islamisme auquel vous faites des concessions sur notre sol, disent les auteurs. Presque tous, nous avons connu l’opération “Sentinelle”. Nous y avons vu de nos yeux les banlieues abandonnées, les accommodements avec la délinquance. Nous avons subi les tentatives d’instrumentalisation de plusieurs communautés religieuses, pour qui la France ne signifie rien – rien qu’un objet de sarcasmes, de mépris voire de haine. »
« C’est ça le courage, d’être anonyme ? »
« C’est ça le courage, d’être anonyme ? » a réagi lundi matin le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, sur BFM-TV. « C’est inquiétant que Valeurs actuelles fasse une pétition sans signatures, c’est-à-dire sans que l’on sache qui tient ces propos ou défend cette ligne », a dénoncé pour sa part l’ancien président de la République François Hollande sur France inter. « Quand il n’y a pas de signature, il n’y a pas de texte », a-t-il ajouté.
« C’est contraire de ce qu’on attend des militaires et, ce qui me choque le plus, (…) c’est que cela abîme une partie de nos armées », a regretté le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, lors d’un entretien à Franceinfo. « Nos jeunes de 20-22 ans (…) risquent leur vie ; eux ils se taisent, eux ils disent rien, eux ils ont les armes à la main et ils vont combattre les islamistes. C’est cette armée-là que j’aime et que je respecte, et certainement pas ces quelques poignées de militaires qui ont jugé bon, sous le couvert de l’anonymat, de reprendre la rhétorique de l’extrême droite », a-t-il ajouté.
Valeurs actuelles avait publié, le 21 avril, une tribune choc dans laquelle « une vingtaine de généraux, une centaine de hauts gradés et plus d’un millier d’autres militaires » appelaient Emmanuel Macron à défendre le patriotisme, et se disaient « disposés à soutenir les politiques qui prendr[aient] en considération la sauvegarde de la nation ».
Ce texte a déclenché une vive controverse dans la classe politique, certains fustigeant un quasi-appel à l’insurrection quand d’autres saluaient un sursaut salutaire. Le premier ministre, Jean Castex, a dénoncé une initiative « contraire à tous nos principes républicains » et sa « récupération politique tout à fait inacceptable » de la part de Marine Le Pen « en particulier », qui avait appelé les signataires à soutenir son action.
La ministre des armées, Florence Parly, a réclamé que des sanctions soient prises contre les signataires, qu’ils soient d’active ou à la retraite.
Les généraux en « deuxième section » signataires – proches de la retraite mais qui peuvent toujours être rappelés – risquent « la radiation, donc la mise à la retraite d’office », avait annoncé le général François Lecointre, chef d’état-major des armées, dans un entretien publié par Le Parisien, le 28 avril.
Saisi par des parlementaires de La France insoumise, le procureur de Paris, Rémy Heitz, avait rejeté la demande d’engager des poursuites visant les auteurs et diffuseurs de la tribune car « aucune infraction pénale » n’y figurait.
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