Taipei vit à l’heure du splendide isolement : alors que les grandes agglomérations du monde entier ont subi confinements et fermetures généralisées des commerces et restaurants, la capitale de Taïwan (2,6 millions d’habitants – et 7 millions pour la zone Keelung – New Taipei City, dite du « Grand Taipei ») y a échappé durant la quasi-totalité de l’épidémie. Seuls les établissements accueillant du public, comme les karaokés, les boîtes de nuit mais aussi les salles de spectacle ont été fermés, pendant quelques semaines au printemps 2020. Les restaurants ne l’ont jamais été.
L’immobilier est en surchauffe et l’économie de ce pays de 24 millions d’habitants tourne à plein régime (+ 3,1 % de croissance en 2020 et 4,7 % attendus en 2021). Un nombre record de Taïwanais de l’étranger se sont réinstallés à Formose. Cette performance spectaculaire tient au modèle adopté par le gouvernement de l’île, qui a su tirer tous les avantages de son insularité et, paradoxalement, de son exclusion de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Au total, Taïwan affichait, au 27 avril, 1 110 contaminations confirmées au SARS-CoV-2 – dont 984 sont « importées », c’est-à-dire des individus déclarés positifs après leur arrivée dans le pays –, le plus souvent en quarantaine. Douze personnes sont mortes de la maladie associée au virus. La maîtrise précoce des chaînes de contamination – tous les cas sont numérotés et ont donné lieu à des enquêtes précises, avec des quarantaines strictes pour les cas contacts – a permis à Taïwan de faire l’économie d’une politique de tests massive – seuls 539 626 y ont été administrés, alors que la France en réalise entre 1 et 3 millions par semaine.
Expérience du SRAS
Rançon du succès, ce faible nombre interroge sur la quantité réelle de cas asymptomatiques. Quand toutefois, en août 2020, le comté de Changhua, près de la ville de Taichung, entreprit de tester une partie de la population, les résultats confirmèrent le très faible taux de prévalence du virus – tandis que son gouvernement a été réprimandé pour avoir passé outre les directives nationales préconisant de ne pas réaliser de campagne de tests massive en l’absence de circulation du virus.
Pour comprendre le cas taïwanais, il faut remonter à… l’expérience du SRAS en 2003 : Taipei est directement touché, notamment quand l’un de ses hôpitaux, le Heping Hospital, devient un cluster. Le 24 avril, les autorités le scellent pendant quatorze jours, avec 1 000 patients et soignants. Leur sort émeut l’opinion publique. Taïwan institue l’année suivante un « centre de commandement unifié » en cas d’épidémie. Il sera activé le 20 janvier 2020, sous la direction du ministre de la santé, Chen Shih-chung, qui incarne, à ce jour, la victoire contre le Covid-19.
A cette date, Taïwan impose déjà, depuis le début de l’année, des contrôles de température aux passagers en provenance de Wuhan. Le 31 décembre, le Centre de contrôle des maladies de Taïwan a déjà relayé au secrétariat de l’OMS, dont Taïwan n’est pas membre en raison de l’opposition de la Chine, son inquiétude vis-à-vis d’une transmission d’homme à homme de la pneumonie atypique identifiée à Wuhan. Dès lors, Taïwan gardera une longueur d’avance sur toutes les recommandations de l’OMS – mis à part l’injonction de tester.
Exportation de masques interdite
En janvier 2020, la capitale accueille pourtant les grands rassemblements électoraux de la présidentielle, qui se soldent par celui célébrant la victoire écrasante, le 8 janvier, de la présidente Tsai Ing-wen, devant le siège de son parti, le DPP. A ce moment, personne ne porte encore de masque. Dès le 24 janvier toutefois – le lendemain du confinement de Wuhan –, le gouvernement interdit l’exportation de masques et lance 60 nouvelles lignes de production, tout en rationnant leur distribution : deux masques par citoyen, par semaine.
Ils commencent à apparaître, à l’approche du Nouvel An lunaire (25 janvier 2020), alors que les habitants convergent pour les achats de mets et de cadeaux rue Dihua, l’une des plus vieilles du centre de Taipei, encombrée d’étals. Les masques deviendront obligatoires dans les transports publics le 3 avril 2020 puis en décembre dans plusieurs catégories de lieux publics.
Dès le 6 février 2020, les autorités imposent une quarantaine à tout passager taïwanais en provenance de plusieurs provinces chinoises, dont le Hubei, puis interdisent l’entrée du territoire aux Chinois et étrangers ayant séjourné en Chine. Le 19 mars 2020, l’obligation de quarantaine est élargie au monde entier – seuls les Taïwanais et résidents étant autorisés à rentrer. Cette procédure est stricte : les arrivants sont convoyés par un taxi spécial à leur domicile, quand ils vivent seuls, ou dans un hôtel. Tout manquement est frappé d’une amende de plusieurs milliers d’euros.
Le pays a rouvert à l’été 2020 aux étrangers, toujours avec une mise à l’écart stricte, et devrait autoriser, à partir de mai, les personnes vaccinées à ne s’isoler que sept jours après leur arrivée au lieu de quatorze.
Cet article est réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le Forum InOut.
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