C’est une victoire « historique », selon eux. Le parti conservateur britannique a réussi à faire élire une députée à Hartlepool, pour la première fois en plus de cinquante ans dans ce bastion travailliste et pro-Brexit, infligeant un véritable camouflet au Labour et à son chef, Keir Starmer.
Jill Mortimer, qui succédera à l’élu sortant, démissionnaire en raison d’accusations de harcèlement sexuel, a recueilli plus de 15 000 voix, doublant presque le score de son adversaire travailliste et europhile. Cette victoire renforce les conservateurs après leur prise, lors des législatives de 2019, du « mur rouge » travailliste, ces régions du nord de l’Angleterre affectées par la désindustrialisation et favorables au Brexit.
« S’il y a une leçon à tirer de toute cette campagne électorale à travers tout le Royaume-Uni, c’est que le public veut que nous continuions à nous concentrer sur leurs besoins et leurs priorités », a déclaré le premier ministre britannique, Boris Johnson, à Hartlepool, où il est venu féliciter la candidate victorieuse. Il a en effet passé sans encombre son premier test électoral depuis le raz-de-marée conservateur aux législatives et l’entrée en vigueur du Brexit. « C’est un endroit qui a voté pour le Brexit. Nous avons réalisé le Brexit et grâce à cela, nous pouvons faire d’autres choses », a-t-il ajouté.
Progression des conservateurs
Les dépouillements des scrutins locaux organisés dans le pays se poursuivront tout au long du week-end, mais pour Boris Johnson les premiers résultats sont en tout cas « très encourageants ». Ils montrent que les conservateurs ont progressé un peu partout en Angleterre et en particulier dans le nord, obtenant par exemple le contrôle du conseil local de Northumberland.
« Ne l’oublions pas : Johnson a réalisé le Brexit, le premier ministre est populaire parmi les électeurs ayant voté “leave” [en faveur du Brexit], le gouvernement tory a dépensé des sommes astronomiques durant la pandémie et a chapeauté une campagne de vaccination très réussie » contre le Covid-19, « et l’économie rebondit », a analysé sur Twitter Jane Green, professeure de sciences politiques à l’université d’Oxford. Des éléments qui pèsent plus lourd que le très mauvais bilan de la pandémie (plus de 127 000 morts) et les récents scandales ayant mis en exergue les liens très proches entre pouvoir et intérêts privés.
Humiliation pour les travaillistes
Pour le chef de l’opposition travailliste, Keir Starmer, c’est une humiliation, et de mauvais augure pour son objectif de reconstruire le Labour avant les prochaines élections générales de 2024. Avec une ligne plus centriste que celle de son prédécesseur Jeremy Corbyn, il avait promis de remettre le parti sur les rails en prenant la tête de la formation quelques mois après la débâcle de celle-ci aux législatives.
« C’est l’illustration la plus spectaculaire que le parti a jusqu’ici échoué à se rapprocher des électeurs des classes ouvrières ayant voté “leave” », a estimé John Curtice, un spécialiste des élections britanniques, sur la BBC.
Les appels au changement ont rapidement fusé chez les travaillistes. « Keir Starmer doit réfléchir à deux fois à sa stratégie », a tweeté la députée Diane Abbott. « Nous reculons dans des zones où nous devons gagner. La tête du Labour doit urgemment changer de direction », a abondé son collègue Richard Burgon.
Cette élection partielle était organisée dans le cadre d’un scrutin local et régional en Angleterre, en Ecosse et au Pays de Galles, le plus important en près de cinquante ans, reporté d’un an en raison de la pandémie.
Suspense en Ecosse
Quarante-huit millions d’électeurs étaient appelés à renouveler quelque 5 000 sièges dans 143 assemblées locales en Angleterre, ainsi que les Parlements gallois et écossais, et 13 maires, notamment celui de la capitale, Londres. Le travailliste Sadiq Khan, devenu en 2016 le premier maire musulman d’une grande capitale occidentale, est donné favori pour un deuxième mandat face à son principal adversaire, le conservateur Shaun Bailey.
En Ecosse, où le Parlement est renouvelé, c’est l’avenir du Royaume-Uni qui se joue. Les indépendantistes du Parti national écossais au pouvoir (SNP), formation de la première ministre, Nicola Sturgeon, espèrent une large victoire pour ouvrir la voie à un nouveau référendum d’autodétermination. Les premiers résultats sont attendus pour samedi soir.
Boris Johnson s’y oppose fermement, estimant qu’une consultation comme celle de 2014, s’étant prononcée à 55 % pour le maintien au sein du Royaume-Uni, ne pouvait se produire « qu’une fois par génération ». Les partisans d’un nouveau référendum soulignent que le Brexit, auquel les Ecossais étaient opposés à 62 %, a changé la donne.
Après des mois de sondages promettant une envolée du SNP et une majorité en faveur de l’indépendance, le SNP pourrait toutefois déchanter, des enquêtes plus récentes lui prédisant une victoire moins éclatante qu’espéré. « Ça se joue vraiment sur le fil du rasoir », a reconnu, jeudi, Nicola Sturgeon.
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