C’était le 8 mai 1945. En Algérie, les manifestations indépendantistes avaient été violemment réprimées par la France. Le pays a célébré, samedi 8 mai 2021, sa première « journée nationale de la mémoire » en hommage aux victimes de cette sanglante répression. L’Algérie a réclamé de nouveau la « repentance » de Paris pour ses crimes durant la colonisation.
Des milliers de personnes ont participé à une marche commémorative à Sétif, dans l’est du pays, empruntant le parcours qu’avaient suivi, il y a soixante-seize ans, des manifestants demandant l’indépendance de l’Algérie. Ce jour-là, le défilé dans la ville célébrant la victoire des Alliés sur le nazisme se transforme en manifestation pour « l’Algérie libre et indépendante » et tourne à la tragédie, déclenchant des émeutes et une répression qui fera des milliers de morts.
La mise en place d’une « journée de la mémoire » avait été décidée, il y a un an, par le président Abdelmadjid Tebboune. Ce dernier avait qualifié de « crimes contre l’humanité » les tueries perpétrées par les forces de l’ordre françaises dans le Constantinois (Sétif, Guelma et Kherrata) et les exactions de la période coloniale (1830-1962).
Dans un message, M. Tebboune a réaffirmé que « l’excellence des relations avec la République française ne saurait exister en dehors de l’Histoire et du traitement des dossiers de la Mémoire, qui ne sauraient faire l’objet d’aucune renonciation ».
45 000 morts
Samedi, la foule menée par des scouts a défilé jusqu’à la stèle érigée à la mémoire de Bouzid Saâl, abattu à 22 ans lors de la manifestation de 1945 par un policier français parce qu’il refusait de baisser le drapeau algérien.
Une gerbe de fleurs y a été déposée en présence d’Abdelmadjid Chikhi, conseiller du président algérien pour les questions mémorielles, ont rapporté des médias officiels. L’ambassadeur de France en Algérie, François Gouyette, est également venu présenter, au nom du président Emmanuel Macron, une gerbe en hommage aux victimes.
La France a déjà reconnu les massacres de Sétif en février 2005, par la voix de son ambassadeur Hubert Colin de Verdière qui avait alors évoqué « une tragédie inexcusable ». Les Algériens font état de 45 000 morts dans les émeutes du Constantinois et les historiens français de quelques milliers à 20 000.
A l’occasion de cette journée mémorielle, le porte-parole du gouvernement, Ammar Belhimer, a réitéré les demandes de l’Algérie auprès de la France concernant ses crimes coloniaux. « L’Algérie reste attachée au règlement global du dossier mémoriel » qui repose sur « la reconnaissance officielle, définitive et globale par la France de ses crimes, la repentance et des indemnisations équitables », a-t-il déclaré.
« Réconcilier les mémoires »
Selon M. Belhimer, cela passe aussi par « la prise en charge des conséquences des explosions nucléaires et la remise des cartes d’enfouissement des déchets de ces explosions ». La France a procédé à 17 essais nucléaires au Sahara algérien entre 1960 et 1966, sur les sites de Reggane puis d’In Ekker. Le dossier est l’un des principaux contentieux mémoriels entre Alger et Paris.
Malgré tout, M. Belhimer a admis que des « acquis certes modestes » mais d’une « grande valeur morale » avaient été obtenus par l’Algérie ces derniers mois. Il a notamment cité la récupération l’année dernière des crânes de 24 combattants nationalistes tués au début de la colonisation et la reconnaissance en mars par le président français, Emmanuel Macron, de la responsabilité de l’armée française dans la mort du dirigeant nationaliste Ali Boumendjel en 1957.
La question mémorielle reste au cœur des rapports souvent passionnels entre l’Algérie et l’ancienne puissance coloniale. M. Macron, premier président français né après la guerre d’Algérie, a engagé ces derniers mois une série d’« actes symboliques » pour tenter de « réconcilier les mémoires » entre les deux rives de la Méditerranée, à l’approche du 60e anniversaire de l’indépendance.
Coup de froid des relations
Mais le rapport de l’historien Benjamin Stora, remis en janvier et sur lequel M. Macron s’appuie pour sa politique mémorielle, ne préconise ni excuses ni repentance et a été vivement critiqué en Algérie.
« Il faut des gestes politiques beaucoup plus forts, de part et d’autre », a plaidé samedi M. Stora dans un entretien avec la chaîne française internationale TV5 Monde. « Néanmoins, pas de repentance. (…) Ce que les Algériens veulent, c’est la reconnaissance des exactions, massacres et des crimes qui ont été commis. Il y a, de ce côté-là, une vraie demande », a-t-il souligné.
Les relations bilatérales ont connu un nouveau coup de froid après l’annulation d’un déplacement, début avril, à Alger du premier ministre français, Jean Castex, à la demande expresse des hôtes. Des médias algériens ont ensuite accusé Paris de « provocation », tandis que le ministre du travail, El-Hachemi Djaâboub, qualifiait la France « d’ennemi traditionnel et éternel » de l’Algérie.
En visite à Alger en février 2017 lorsqu’il était candidat à la présidence, M. Macron avait qualifié la colonisation de l’Algérie de « crime contre l’humanité » et de « vraie barbarie », ce qui lui avait valu de vives critiques de responsables politiques de droite.
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