Au lieu de la sonnerie de son portable, Tatiana* s’est réveillée ce jeudi 6 mai avec le claquement des balles. Dans le ciel gris de la favela, gronde un hélicoptère. Dans les ruelles humides, la police avance à petit pas, cagoulée, armée de fusil. Une opération antidrogue a commencé à Jacarezinho. Tatiana, qui sent le danger venir, réunit la famille. « On s’est tout de suite cachés au fond de la maison, mon père, ma mère, mon fils de 9 ans », raconte la jeune femme de 27 ans.
Vite, les rafales fusent, se multiplient. Se rapprochent. Tatiana et sa famille se terrent. « Mais tout d’un coup, on a entendu des bruits sur le toit de la maison », se souvient-elle. Surgissent deux jeunes hommes, 20 ans à peine. L’un a de graves blessures par balles dans le dos. « Il saignait beaucoup. Ils m’ont supplié de les aider, de les cacher. Ils disaient qu’ils ne voulaient pas mourir. Celui qui était blessé pleurait. Il a dit que sa femme était enceinte, que c’était une petite fille et qu’il voulait la voir naître… »
Est-ce la peur ? La pitié ? Tatiana laisse les deux hommes se cacher au troisième étage, et se cadenasse avec sa famille dans une pièce du deuxième. Un temps passe, avant que les policiers n’enfoncent la porte d’entrée. La famille tend l’oreille : écoute, tétanisée, le bruit des bottes dans l’escalier. Les cris. Puis les tirs. « Bam ! Bam ! », imite en riant le jeune fils de Tatiana, qui a tout entendu, puis tout vu : les impacts de balle dans le mur peint en beige ; le sofa, les coussins, les sacs, les tableaux, le carrelage recouvert de sang.
Carnage
Du sang, il en a coulé beaucoup ce 6 mai à Rio : au moins 28 personnes (dont un policier) ont été tuées lors de l’assaut donné par la police dans le bidonville de Jacarezinho, situé au nord de la métropole, soit le bilan humain le plus élevé jamais enregistré pour une opération de ce type dans la ville. Ici, on a vite donné à l’événement le titre de « chacina », c’est-à-dire de carnage ou de bain de sang.
L’assaut a commencé vers 6 heures, moment où les quelque 40 000 habitants de la favela sortent dans la rue se rendre au travail. 200 membres de la police civile pénètrent alors dans le bidonville, appuyés par des blindés et hélicoptères. Des coups de feu sont échangés et vite, la situation dégénère. Un policier est tué d’une balle dans la tête et l’opération antidrogue se transforme en vendetta. Les forces de l’ordre se ruent dans les ruelles, poursuivent les trafiquants et mitraillent à tout va. Un métro aérien, longeant la favela, est atteint par les balles perdues. Deux passagers sont blessés.
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