L’envolée des cours des céréales dans le monde nourrit les craintes de crise alimentaire. Au milieu de ce marasme, une bonne nouvelle : contre toute attente, le riz résiste à la tendance et empêche la machine alimentaire de s’emballer. Mais jusqu’à quand ?
Le riz reste le fondement du régime alimentaire de quelque 3 milliards d’êtres humains. Pourtant, son prix n’a pas suivi la tendance inflationniste de ceux du soja, du maïs et des viandes. Certes, le riz coûte plus cher que l’an dernier. Toutefois, son cours est à la baisse depuis quelques mois sur les marchés des principaux pays producteurs que sont le Vietnam, la Thaïlande et l’Inde. La conséquence logique de meilleures récoltes.
Boudé par le bétail, le riz n’entre pas en concurrence directe avec le blé, le soja et le maïs
L’une des raisons de la relative stabilité du cours du riz est le fait qu’il reste destiné principalement à la consommation humaine, quand l’appétit croissant du bétail conduit à une envolée du prix des autres céréales. En Chine par exemple, la très forte demande des élevages de porcs s’est combinée à de mauvaises récoltes (en raison d’une météo calamiteuse) pour épuiser les stocks mondiaux en blé et en oléagineux. Par effet domino, le maïs et le soja ont vu leurs cours atteindre leur plus haut niveau depuis huit ans.
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Ingrédient de base des pâtes alimentaires, du pain, le blé entre aussi dans la composition de quantité de biscuits et d’aliments pour animaux, qui ont vu leurs prix s’enflammer. Il reste toutefois meilleur marché que le maïs et le soja, auxquels il est de plus en plus fréquemment substitué. Le blé a vu son cours bondir de plus de 40 % depuis le mois d’août 2020, à comparer aux + 120 % du maïs et + 70 % du soja. Quand le riz gagnait 22 % sur les marchés de Chicago, le cours du riz blanc thaïlandais ne prenait que 4 %.
La stabilité du riz pourrait suffire à contenir à un niveau raisonnable l’inflation des prix des denrées alimentaires, qui sont déjà à leur plus haut depuis 2014. La Banque mondiale et les Nations unies s’en sont émues, se remémorant les troubles de 2008 et de 2011, quand l’envolée des prix avait jeté dans les rues des millions de citoyens affamés à travers l’Afrique, l’Asie et le Moyen-Orient. La seule conséquence heureuse de ces pénuries avait été l’émergence du fameux Printemps arabe, et le soulèvement des populations contre les gouvernements dirigistes.
La faim progresse dans le monde, tandis que la pandémie entame le pouvoir d’achat
Les craintes des gouvernants ne sont pas sans fondement. Déjà, au Mexique, l’envolée des cours des céréales conduit à une augmentation sensible du prix de la tortilla. Même conséquence sur les prix du bœuf au Brésil. Aux États-Unis, c’est le bacon qui sert de témoin de l’augmentation générale du prix moyen du panier de la proverbiale ménagère. En Asie, l’impact se fait moins sentir, du fait d’une place moins prépondérante du blé dans l’alimentation humaine — au profit du riz.
« La stabilité du cours du riz est vraiment une bonne nouvelle du point de vue de la sécurité alimentaire », se félicité David Dawe, économiste à l’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, à Bangkok. « Les populations pauvres sont largement concentrées en Asie, là où le riz constitue la base de l’alimentation humaine. »
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Autre motif de soulagement, une mauvaise récolte de riz est peu probable. Le phénomène climatique connu sous le nom de La Nina — qui a contribué à assécher les champs sur les deux continents américains — s’est traduit en Asie par un surcroît de précipitations favorables à la culture du riz. Rappelons que l’Asie produit et consomme environ 90 % du riz.
La viande va coûter de plus en plus cher, à mesure que la crise s’installe
Le plus gros producteur de riz, l’Inde, a enregistré des niveaux records de production ces dernières années. De quoi tirer nettement les prix vers le bas. « Même si le Vietnam et la Thaïlande devaient subitement réduire leurs exportations, le riz ne verrait probablement pas son prix remonter nettement », estime Chookiat Ophaswongse, président honoraire de l’Association des Exportateurs thaïs de Riz. « Car l’offre indienne restera abondante pour longtemps. Sans compter les réserves importantes dont dispose la Chine. »
Le gouvernement chinois a pris soin, en effet, de constituer d’importantes réserves de riz comme de blé. Suffisantes, dit-on, pour sustenter la totalité de ses 1,4 milliards de citoyens durant un an. Ces réserves sont si vastes, que les autorités incitent dorénavant les fabricants d’aliments pour bétail à s’approvisionner en riz et blé locaux, afin de diminuer le niveau d’importation de maïs et de soja étrangers.
Le riz ne fait pas tout, cependant. Les Nations unies se préoccupent de l’équilibre nutritionnel des populations pauvres qui n’ont plus accès aussi fréquemment qu’avant la crise aux viandes, source de protéines, d’oligoéléments et de vitamines. Les prix du bœuf, du porc et de la volaille ont fortement augmenté, sous le coup de l’envolée de ceux du maïs et du soja.
(Source : Bloomberg).
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