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Génération Navalny : être jeune et rebelle en Sibérie sous Poutine

Par Benoît Vitkine

Publié aujourd’hui à 01h51

Partout des cœurs. Dans son cahier d’écolier, Nikita a écrit : « Pouchkine est un génie », et, à côté, il a dessiné un cœur. D’autres encore, sur les lettres que l’adolescent envoie à sa mère, depuis la prison : « Tu me manques, je t’aime. » Une année sépare les déclarations d’amour au poète russe et les lettres de prisonnier. Nikita est entré dans la prison de Kansk, en Sibérie, à 14 ans, accusé de terrorisme.

Les cahiers contenaient d’autres indices. Des dessins, encore, des « A » tracés au feutre, cerclés à la manière des anarchistes. Des réflexions aussi. L’écolier s’interroge sur « les conventions sociales inventées par les bourgeois pour se distinguer des va-nu-pieds ». Il veut s’échapper, « loin du bruit des pétards, des grands-mères qui jurent contre les chiens, des insultes des passants ».

Une « attitude hostile » vis-à-vis du pouvoir

Plus tard, les enquêteurs ont creusé encore. Ils ont demandé à son école un rapport sur l’adolescent. Nikita Ouvarov « perçoit l’école comme un environnement hostile, réagit mal aux mesures éducatives, refuse de suivre les règles et les normes établies par la société », est-il écrit. Banale description des tourments d’un adolescent ? Le document a joué un rôle primordial dans la décision de le maintenir en détention provisoire.

Depuis onze mois que son fils est détenu, Anna Ouvarova, 43 ans, n’a pas eu droit au moindre parloir avec lui. Les refus sont systématiques, aucune explication n’est donnée. Elle n’a pu l’apercevoir qu’au tribunal, lors de brèves comparutions.

Des experts ont aussi été convoqués, linguistes et psychologues, pour décortiquer les échanges entre Nikita et ses copains sur les réseaux sociaux. Suspecte, leur admiration pour le chanteur de Nirvana, Kurt Cobain. Suspects, les articles échangés sur des abus commis par le FSB, le service fédéral de sécurité russe. Ils concluent à une « attitude hostile » vis-à-vis du pouvoir.

Nikita et sa mère n’ont que les lettres. Elle les garde religieusement, avec les cahiers d’écolier, dans un placard bien fermé du deux-pièces aux couleurs claires qu’ils partageaient. Depuis onze mois que son fils est détenu, Anna Ouvarova, 43 ans, n’a pas eu droit au moindre parloir avec lui. Les refus sont systématiques, aucune explication n’est donnée. Elle n’a pu l’apercevoir qu’au tribunal, lors de brèves comparutions.

Leur première conversation téléphonique n’a été autorisée qu’en décembre, sept mois après l’incarcération de Nikita. Six mois sans échanger un mot. Entre-temps, Nikita a eu 15 ans, et Anna a vieilli d’autant. Ses yeux sont gonflés de fatigue et de larmes. Même porter des livres à son fils est une gageure, les permissions sont aléatoires. Les Trois Mousquetaires ont été retoqués.

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