LETTRE DE WASHINGTON
Joe Biden a soulevé quelques rires lorsqu’il a noté, lors de son adresse au Congrès, le 28 avril, que les daims ne portaient pas de gilets pare-balles. Le président des Etats-Unis voulait souligner l’absurdité de la militarisation du deuxième amendement de la Constitution, qui sanctuarise le droit de détenir une arme à feu. Il faisait allusion à la généralisation des armes semi-automatiques, utilisées presque systématiquement dans les tueries de masse, ou encore des chargeurs à grande capacité, une autre garantie de massacres, justifiés parfois au nom de la pratique de la chasse.
Contre cette « épidémie », selon Joe Biden, pour laquelle il n’existe aucun vaccin en dehors de la raison, le président a exhorté le Congrès à agir sans se faire beaucoup d’illusions, malgré les drames qui ont endeuillé de nouveau les Etats-Unis depuis deux mois. Ses espoirs, modestes, d’une meilleure réglementation reposent en fait sur la renaissance d’un service fédéral en piètre état, le Bureau des alcools, des tabacs, des armes à feu et des explosifs (appelé « ATF »), officiellement chargé de ce sujet controversé, mais qui se trouve dans un état désastreux sous l’effet des pressions de la National Rifle Association (NRA).
Situation ubuesque
On pourrait s’attendre à ce que les Etats-Unis, qui se sont autorisé tous les excès dans les années de « guerre contre le terrorisme » disposent au moins d’un fichier informatisé recensant les armes en circulation dans le pays. Mais les attaques du lobby des armes contre l’ATF ont produit une situation ubuesque. Cette documentation existe, mais uniquement sur le papier, dans des dossiers stockés à l’intérieur de dizaines de conteneurs alignés dans la petite ville de Virginie-Occidentale de Martinsburg, qui abrite les locaux de la direction de l’agence chargée d’identifier les armes retrouvées sur une scène de crime.
Chaque demande de vérification entraîne des recherches manuelles éreintantes. Le poids de ces mètres cubes de formulaires envahissants a déjà provoqué sur place un effondrement de plancher, selon le New York Times, qui a consacré une enquête à l’ATF, lundi 3 mai.
Signe du pouvoir de la NRA, les effectifs de l’ATF sont restés au niveau des années 1970, alors que le nombre des armes à feu possédées par des particuliers a été multiplié par trois. Il dépasse aujourd’hui les 400 millions, ce qui est bien plus que les 331 millions d’Américains recensés en 2020. De même, la NRA est parvenue avec succès à contrarier la nomination d’un responsable pour l’ATF en faisant en sorte qu’il soit confirmé par le Sénat. Faute de consensus entre pro et anti-armes à feu au sein de la Haute Assemblée, le poste a été vacant de 2006 à 2013, puis depuis 2015.
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