En annonçant la semaine dernière un financement de l’Etat inespéré pour Bordeaux-Toulouse et en accélérant Montpellier-Béziers, le gouvernement a relancé la construction de lignes à grande vitesse, après quatre ans de « pause » sur les grands projets.
On a beaucoup entendu depuis l’élection d’Emmanuel Macron que la priorité était désormais à la remise en état du réseau ferroviaire et aux transports du quotidien, après des décennies de « tout TGV ».
Le président avait annoncé en 2017 « une pause » tant que ne serait pas votée une loi sur les mobilités. Celle-ci a finalement validé un scénario proposé début 2018 par le Conseil d’orientation des infrastructures (COI), qui évoque bien quelques projets importants mais remis à beaucoup plus tard.
La liaison Marseille-Nice est emblématique de ce changement de doctrine: on est passé d’un projet de ligne à grande vitesse à l’aménagement des traversées de Marseille –avec tout de même un tunnel sous la ville–, Nice et Toulon, remettant la construction des sections intermédiaires à la décennie 2030.
Quant au Bordeaux-Toulouse, pourtant déclaré d’utilité publique, le COI n’envisageait que l’aménagement des sorties des deux villes pour commencer, puis un phasage de la ligne nouvelle avec la construction de Bordeaux-Agen « au plus tôt à partir de la période 2033-2037 ».
Le site internet du projet est d’ailleurs en jachère, la dernière note publiée, de juin 2018, s’intéressant aux alternatives en modernisant la ligne existante…
L’arrivée de Jean Castex à Matignon a changé la donne. Cet élu de la région a d’abord déclaré en juillet 2020 qu’il mettrait « toute (son) énergie » pour faire avancer plus rapidement la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan.
Le 19 avril, le gouvernement a annoncé un accord avec les collectivités locales sur le financement des premiers aménagements prévus de la Ligne nouvelle Provence-Côte d’Azur (LNPCA), entre Marseille et Nice, estimés à 3,5 milliards d’euros.
Et une semaine plus tard, le Premier ministre a annoncé dans un courrier à la présidente (PS) de la région Occitanie, Carole Delga, et au maire de Toulouse (LR), Jean-Luc Moudenc, que l’Etat apporterait 4,1 milliards d’euros à Bordeaux-Toulouse, et qu’il avancerait d’un an l’enquête publique de Montpellier-Perpignan.
– Stratégie européenne –
Dans les trois cas, l’Etat apporterait la même somme que les collectivités locales (40% chacun a priori), l’Europe étant priée de compléter avec 20% du total.
En Occitanie, les collectivités pourront monter une « société de projet » dotée de ressources fiscales propres.
Il va falloir trouver de l’argent, d’autant que le devis de Bordeaux-Toulouse a été réévalué de 7 à plus de 10 milliards d’euros. L’objectif est de mettre Toulouse à 1 heure 05 de Bordeaux et 3 heures 10 de Paris, soit plus d’une heure de gagnée par rapport aux liaisons actuelles les plus rapides.
Carole Delga évoque le « premier coup de pelle en 2024 », un objectif confirmé au gouvernement. En revanche on est plus dubitatif dans l’exécutif sur une mise en service en 2030 comme l’a assuré l’élue.
« Ce qu’a annoncé le Premier ministre s’inscrit dans la stratégie européenne en matière de ferroviaire, qui promeut l’achèvement d’un certain nombre d’itinéraires à grande vitesse », explique le nouveau président du COI, David Valence (radical).
Ce retour des grands projets réjouit évidemment les élus locaux, et aussi les usagers.
« C’est une bonne nouvelle », réagit Bruno Gazeau, président de la Fédération nationale des associations d’usagers de transports (Fnaut), notant que la grande vitesse ferroviaire permet de prendre des parts de marché à la voiture et à l’avion.
« Mais la relance des lignes à grande vitesse ne doit pas se faire au détriment des Intercités (qui) doivent être financés et protégés », pointe-t-il. Le gouvernement a en effet promis de relancer les lignes classiques.
Du côté du gouvernement, on indique que ces grands projets étaient prévus dans la trajectoire financière approuvée par la loi sur les mobilités, indépendamment de la modernisation du réseau. Il faudra compter « une dizaine d’années » pour construire le Bordeaux-Toulouse, estime-t-on.
Le projet suivant devrait être la modernisation de la liaison entre Paris et la Normandie, indique-t-on de même source. Quant à la ligne nouvelle entre Bordeaux et l’Espagne, elle attendra « la prochaine loi de programmation », selon M. Castex.
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