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Les entreprises n’ont rien à faire en politique

Quand ils constatent la proximité entre politique et grandes entreprises dans un pays étranger, les Américains l’interprètent souvent comme un signe de dégradation institutionnelle, de capitalisme de copains ou d’autoritarisme. Pourtant, aux Etats-Unis, les entreprises ont de plus en plus tendance à se mêler de politique. Pour la bonne cause parfois, comme ces patrons qui ont protesté contre les nouvelles lois restreignant le droit de vote en Géorgie et dans d’autres Etats. Certains vont jusqu’à endosser le costume de PDG-homme d’Etat. A l’image de Jamie Dimon, le patron de JP Morgan, qui n’a pas hésité à se prononcer, entre autres considérations, sur les acquisitions de matériel militaire ou sur la justice criminelle.

S’adapter aux souhaits de la société

Le phénomène est révélateur d’un changement du rôle des entreprises dans la société. Avec des conséquences et des risques sans doute sous-évalués. D’abord, il est illusoire de penser pouvoir régler le problème de la défiance de l’opinion à l’égard des politiques en donnant plus de pouvoir à une élite de grands patrons non élus. La concurrence telle que la concevait l’économiste Milton Friedman est une meilleure façon de réfléchir à la façon dont les entreprises pourraient appréhender la politique. Elle rend légitime et lucrative l’adhésion au changement social. Avec le marché, les

entreprises doivent anticiper et s’adapter aux souhaits de la société. Face à des consommateurs qui désirent des produits plus humains et plus vertueux, certaines sociétés comme Beyond Meat ou Tesla proposent une offre adaptée. Ce qui oblige d’autres entreprises comme McDonald’s et General Motors à s’adapter. De même, pour recruter le meilleur personnel, les sociétés doivent s’ouvrir aux différentes cultures. Et afin d’assurer leur prospérité, il leur faut anticiper la façon dont les lois sur les externalités changeront avec l’opinion publique.

Aujourd’hui, quel capitaliste irait faire des investissements à long terme en pariant qu’il n’y aura jamais de taxe sur les émissions carbone, ni de pénalités sur les biens issus des camps de travail forcé du Xinjiang ? Le nouveau code de conduite affiché par les entreprises n’est peut-être qu’un simple front supplémentaire dans cette confrontation concurrentielle, du marketing pour s’attirer talents et clients. Si tel est le cas, il existe des tactiques à la fois meilleures et plus efficaces, comme le programme de Home Depot dont le but est d’augmenter la participation électorale de son personnel. Car ne nous y trompons pas : les entreprises ne sont pas un substitut au gouvernement de la cité. C’est l’Etat qui fait en sorte que les marchés restent compétitifs et ne soient pas faussés par les monopoles ou la corruption. Il n’y a que lui qui peut taxer les externalités comme la pollution et instaurer un filet de protection sociale. Et la seule façon légitime d’apaiser les divisions de l’Amérique et de protéger ses droits fondamentaux est de le faire au travers du processus politique et des tribunaux. Pas des directions d’entreprises.

 

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