Joe Biden a annoncé, mercredi 14 avril, son intention de retirer les troupes américaines déployées en Afghanistan d’ici au 11 septembre 2021. Pour justifier sa décision de mettre fin à la plus longue guerre menée par les Etats-Unis, il a expliqué : « Nous sommes allés en Afghanistan à cause d’une effroyable attaque qui a eu lieu il y a vingt ans (…). L’objectif était clair et la cause était juste. » Dix ans après l’élimination d’Oussama Ben Laden — le commanditaire des attentats du 11 septembre 2001 —, « les raisons pour lesquelles nous restons en Afghanistan sont de moins en moins claires ». Joe Biden a aussi rappelé qu’il était « le quatrième président américain à gérer une présence de troupes américaines en Afghanistan » et qu’il ne souhaitait pas laisser « cette responsabilité à un cinquième ».
Alors que le départ des troupes américaines commence le 1er mai, retour sur les grandes dates de cette guerre.
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L’invasion de l’Afghanistan en réponse au 11-Septembre
Le 11 septembre 2001, deux jours après l’attentat-suicide qui a tué Ahmed Chah Massoud en Afghanistan, commandant de l’Alliance du nord et figure emblématique de la lutte contre les talibans, 19 terroristes membres du réseau djihadiste Al-Qaida détournent quatre avions de ligne, dont deux vont s’écraser sur les tours jumelles du World Trade Center, à New York, un autre sur le Pentagone, à Washington, et le quatrième dans un champ à Shanksville, en Pennsylvanie. Ces attaques vécues en direct par le monde entier font près de 2 977 morts et plus de 6 200 blessés.
Dans l’après-midi du 11 septembre 2001, Donald Rumsfeld, le secrétaire à la défense du président George W. Bush, identifie Al-Qaida et son chef, Oussama Ben Laden, comme responsables des attaques, mais il cherche aussi à incriminer l’Irak de Saddam Hussein. Dans la soirée, depuis le bureau Ovale de la Maison Blanche, le président Bush lance ce qu’il appelle la « guerre contre le terrorisme » (vidéo).
Une semaine plus tard, le Congrès vote la loi Authorization for Use of Military Force, un texte toujours en vigueur qui lui laisse les coudées franches pour mener la riposte américaine contre Al-Qaida.
Le 20 septembre 2001, lors d’une session du Congrès, George Bush lance un ultimatum aux talibans, au pouvoir en Afghanistan, et leur demande de « livrer (…) tous les dirigeants d’Al-Qaida qui se cachent sur [leur] territoire, ou de partager leur sort ». Les Etats-Unis offrent 25 millions de dollars de récompense pour toute information qui permettrait d’appréhender Oussama Ben Laden, le chef d’Al-Qaida.
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Hiver 2001, la déroute des talibans
Quinze jours plus tard, le 7 octobre 2001, l’opération « Enduring Freedom » (« Liberté immuable ») commence avec une campagne de bombardements contre Al-Qaida et les talibans. Sur le terrain, les forces spéciales américaines et britanniques, épaulées par l’Alliance du Nord, chassent les talibans du pouvoir. Kaboul tombe à la mi-novembre 2001, suivi du bastion taliban de Kandahar. Leur chef, le mollah Omar, prend la fuite, tout comme Oussama Ben Laden. Les Américains traquent en vain ce dernier dans les montagnes enneigées de Tora Bora, le long de la frontière pakistano-afghane.
En décembre 2001, les Nations unies signent l’accord de Bonn, qui prévoit un retour progressif à la démocratie en Afghanistan avec la création d’un gouvernement afghan intérimaire dirigé par le Pachtoune Hamid Karzaï. Une Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), coalition militaire placée sous l’égide de l’OTAN, est mandatée par les Nations unies pour opérer sur le terrain aux côtés des 2 500 soldats américains.
En mars 2002, les forces américaines et leurs alliés déclenchent l’opération « Anaconda » pour déloger plusieurs centaines de combattants talibans et d’Al-Qaida : ces combats, les plus violents depuis le début de la campagne américaine, font plusieurs centaines de morts chez les talibans.
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Des plans pour l’avenir de l’Afghanistan
En avril 2002, George W. Bush appelle à un « plan Marshall » pour reconstruire l’Afghanistan. Mais les Etats-Unis et la communauté internationale sont loin d’engager des dépenses de reconstruction d’une telle ampleur pour l’Afghanistan.
En juin 2002, Hamid Karzaï est élu pour diriger le gouvernement de transition qui doit conduire l’Afghanistan à des élections générales. En janvier 2004, le pays adopte une nouvelle Constitution, qui stipule notamment qu’hommes et femmes ont les mêmes droits. En décembre 2004, Hamid Karzaï est élu président pour reconstruire le pays.
Sur le terrain, les Américains puis l’OTAN créent des équipes de reconstruction provinciale (PRT), qui mènent à la fois des opérations de sécurisation et des missions humanitaires. A la fin de l’année, 9 400 soldats américains et 4 800 militaires de l’OTAN sont sur le terrain.
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2003, l’Irak éclipse l’Afghanistan
En mars 2003, George W. Bush décide d’étendre sa « guerre globale contre la terreur » à l’Irak. Qu’importe si le régime de Saddam Hussein est un farouche adversaire des djihadistes, il est désigné par Washington comme un soutien du terrorisme international et détenteur d’armes de destruction massive. Le 20 mars 2003, l’Irak est envahi et l’essentiel de l’effort militaire américain s’y concentre. Le 1er mai 2003, le secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld, se rend à Kaboul et annonce la fin des « activités de combat majeures » en Afghanistan, où se trouvent 8 000 soldats américains. Place aux « opérations de stabilisation et de reconstruction ».
Du jour au lendemain, l’Afghanistan est ainsi relégué au second plan. Le secrétaire d’Etat à la défense, comme le reste de l’administration américaine, semble perdre de vue le sens de la mission dans ce pays. En septembre 2003, il écrit : « Je n’ai aucune visibilité sur l’identité des “méchants”. » Ces notes, publiées en 2019 par le Washington Post dans les « Afghanistan Papers », révèlent l’ampleur des dysfonctionnements dans le cours de la guerre menée par les Américains.
Dans une vidéo diffusée quatre jours avant l’élection présidentielle de 2004, Oussama Ben Laden démontre qu’il est toujours en vie, malgré les rumeurs persistantes sur sa mort dans la zone de Tora Bora. Il renvoie dos à dos George W. Bush et John Kerry, les deux candidats aux élections américaines, et annonce de futurs attentats.
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Les talibans changent de stratégie, les bavures se multiplient
A partir de 2004, les talibans et Al-Qaida changent de stratégie : ils privilégient désormais les attentats aux affrontements directs, qui leur ont coûté des milliers de vies. L’attentat-suicide devient leur arme de guerre, le nombre d’attaques passe de six en 2004 à 21 en 2005, et à 123 en 2006.
Lors du sommet de l’OTAN à Riga (Lettonie), en novembre 2006, des divisions surgissent entre les Etats membres sur l’engagement de leurs troupes en Afghanistan. Le secrétaire général de l’OTAN espère que l’armée nationale afghane puisse commencer à reprendre dès 2008 le contrôle de la sécurité. Un an plus tard, le secrétaire américain à la défense, Robert Gates, critique les pays de l’OTAN, les accusant de ne pas envoyer assez de soldats.
Les relations commencent aussi à se dégrader avec les Afghans : les forces étrangères sont régulièrement accusées de bavures. Au cours des quatre premiers mois de l’année 2008, environ 200 civils afghans ont été tués par les forces internationales, la plupart dans des attaques aériennes ; parallèlement, 300 civils ont été tués lors d’attaques des talibans.
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La « montée en puissance » d’Obama
Lors de sa campagne présidentielle, en 2008, Barack Obama choisit de débuter sa tournée internationale par l’Afghanistan : il entend y « recentrer les forces américaines », au détriment de l’Irak, et demande à l’Europe de partager le fardeau.
Trois mois après son entrée à la Maison Blanche, il dévoile sa stratégie. Il envoie 21 000 soldats en renfort pour venir à bout de ce qu’il appelle « le cancer d’Al-Qaida » : c’est la stratégie de la « montée en puissance » (« surge »). En novembre, le président Hamid Karzaï est reconduit dans ses fonctions de président. La France, qui est présente sur le terrain, estime qu’il est corrompu, mais les Occidentaux n’ont pas d’autre solution pour l’Afghanistan.
En décembre 2009, Barack Obama envoie 30 000 soldats supplémentaires et esquisse un calendrier de retrait : les premières troupes américaines pourraient quitter le pays « bien avant » la fin de son premier mandat. En 2010-2011, au plus fort de leur présence, quelque 100 000 soldats américains sont déployés en Afghanistan.
Lors de son sommet annuel, l’Alliance atlantique annonce qu’elle va transférer progressivement la responsabilité des opérations sur le terrain aux forces de sécurité afghanes, entre 2011 et 2014.
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La mort de Ben Laden et l’amorce d’un retrait
Le 1er mai 2011, après plus d’une décennie de traque, Oussama Ben Laden, est tué à Abbottabad, au Pakistan, par un commando des forces spéciales de la marine américaine. Près de dix ans après les attentats du 11-Septembre, « justice est faite », déclare Barack Obama lors d’une allocution télévisée. L’Egyptien Ayman Al-Zawahiri, dont la tête est aussi mise à prix pour 25 millions de dollars, succède à Ben Laden.
De son côté, le secrétaire américain à la défense, Robert Gates, confirme le début de discussions avec les talibans et près de deux mois après la mort d’Oussama Ben Laden, Barack Obama peaufine le plan de retrait des troupes : 33 000 soldats sont censés rentrer aux Etats-Unis d’ici à l’été 2012.
En décembre 2011, la communauté internationale se réunit à Bonn pour préparer un cadre d’aides permettant à l’Afghanistan de vivre après le départ des soldats de l’OTAN, à la fin 2014.
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Tensions entre Washington et les autorités afghanes
Fin 2011, les talibans annoncent l’ouverture d’un bureau au Qatar, pour faciliter les pourparlers de paix avec les Etats-Unis. Mais deux mois plus tard, ils les suspendent et accusent Washington de ne pas avoir tenu sa promesse en vue d’un échange de prisonniers.
Dans le même temps, les relations continuent de se détériorer entre Hamid Karzaï et les Occidentaux : après le massacre de civils par un militaire américain et la diffusion de photographies de soldats américains posant au côté de cadavres et de restes d’insurgés afghans, le président afghan leur demande de quitter leurs avant-postes dans les villages.
Lors du sommet de l’OTAN à Chigaco, l’Alliance atlantique confirme qu’elle n’aura plus de soldats en Afghanistan après le 31 décembre 2014 et que, dès mi-2013, l’armée afghane aura pris le contrôle des dernières zones encore à la charge des Occidentaux. François Hollande, à peine élu président, annonce le retrait pour la fin 2012 des forces combattantes françaises d’Afghanistan.
Les Etats-Unis commencent à négocier avec Kaboul un accord censé définir les modalités de la présence américaine après la fin de la mission des forces de l’OTAN. Au printemps 2014, Barack Obama précise encore le calendrier du retrait : les derniers soldats américains auront quitté le pays fin 2016. Les talibans multiplient les attaques.
A l’issue de l’élection présidentielle afghane de 2014, les deux candidats rivaux, Ashraf Ghani et Abdullah Abdullah, signent, le 21 septembre, un accord de partage du pouvoir : le premier succède à Hamid Karzaï, tandis que le deuxième devient chef de l’exécutif. Ils se disputent ensuite l’attribution des ministères-clés, pendant que les talibans progressent et multiplient les attaques.
Le 28 décembre 2014, l’ISAF, la force de combat de l’OTAN, met un terme à sa mission. Au 1er janvier 2015, la mission « Soutien résolu » prend le relais pour aider et former l’armée afghane.
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L’annonce d’un retrait américain sans cesse reporté
Début 2015, trois mois après le retrait des troupes de l’OTAN, les signes d’inquiétude se multiplient sur la capacité des Afghans à assumer seuls leur sécurité. En mars 2015, Washington ralentit le retrait, pour faire en sorte que les forces locales soient mieux entraînées et équipées. Un an plus tard, alors que son mandat tire à sa fin, Barack Obama ajuste encore le calendrier de retrait : il annonce que les Etats-Unis maintiendront 8 400 soldats en Afghanistan jusqu’en 2017.
Lorsqu’il était candidat, Donald Trump déclarait, en octobre 2015, que « la guerre en Afghanistan était une erreur ». Devenu président, il se ravise et déclare, en août 2017, que les Etats-Unis resteront dans le pays : un retrait rapide des quelque 8 000 soldats encore sur place créerait, selon lui, « un vide » qui profiterait « aux terroristes ». Un nouvel ennemi y est de plus en plus actif : l’organisation Etat islamique (EI), qui concurrence désormais Al-Qaida.
Le début de l’année 2018 est marqué par une recrudescence des attentats. Au cours des six premiers mois, 1 700 civils sont tués, pour la plupart dans des attentats de l’EI. C’est le pire bilan en dix ans, selon l’ONU.
En 2018, le dialogue avec les talibans n’est plus tabou, mais le président afghan est tenu à l’écart des négociations sur l’avenir de son pays. En novembre 2019, Donald Trump se rend en Afghanistan et confirme vouloir réduire le nombre de soldats américains sur place.
Le 29 février 2020, les Etats-Unis et les talibans signent finalement un accord qui prévoit le retrait des troupes américaines à la mi-2021. Des négociations de paix interafghanes débutent le 12 septembre, à Doha (Qatar), suscitant l’inquiétude des milieux libéraux de Kaboul.
Après la déclaration du 14 avril 2021 de Joe Biden, l’OTAN a annoncé qu’elle allait entamer le retrait des quelque 10 000 combattants encore engagés aux côtés des Amércains, d’ici le 1er mai. Les talibans ont mis en garde Washington contre tout dépassement de cette date prévue par l’accord américano-taliban de 2020.
Selon l’analyse « Cost of War » du Watson Institute de l’université de Brown (Rhode Island), la guerre aura coûté plus de 2,26 milliards de milliards de dollars (1,86 milliard d’euros), 2 442 soldats américains y auront trouvé la mort, ainsi que 1 444 soldats des forces alliées. Plus de 47 000 civils afghans auront été tués, ainsi que près de 70 000 membres de l’armée et de la police afghanes.
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