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En Slovénie, l’Etat chasse les intellectuels des musées

Manifestation pour défendre la culture, à Ljubljana (Slovénie), le 19 juin 2020. Manifestation pour défendre la culture, à Ljubljana (Slovénie), le 19 juin 2020.

Musée d’architecture, Musée d’ethnographie, Musée national, Musée d’histoire contemporaine, Galerie moderne, Agence nationale du livre… A l’échelle de la petite Slovénie, la liste est impressionnante : en un an, quasiment la totalité des principales institutions culturelles de la capitale, Ljubljana, ont vu leurs directeurs et directrices évincés à l’initiative du gouvernement de Janez Jansa.

Premier ministre ultraconservateur depuis mars 2020 de ce pays d’ex-Yougoslavie de 2 millions d’habitants, cet admirateur de Donald Trump est accusé par plusieurs figures intellectuelles locales de vouloir mener une véritable purge.

« Il interfère directement dans le management des institutions culturelles pour imposer son récit », affirme, par exemple, Kaja Sirok, présidente du comité slovène du Conseil international des musées, elle-même au chômage depuis qu’elle a perdu son poste de directrice du Musée national d’histoire contemporaine, particulièrement sensible car il traite du XXe siècle. « Les médias de droite ont dit que je ne prêtais pas assez d’attention aux combats slovènes pour l’indépendance, raconte-t-elle, ou qu’il fallait sortir du récit communiste, alors que j’avais 15 ans en 1991 ! »

« Des limogeages de fait »

Elle a été remplacée par Joze Dezman, un historien proche de M. Jansa, qui avait déjà dirigé le musée lors de son premier mandat (2004-2008). « Quand il est au gouvernement, je suis ici, quand il n’y est pas, je ne suis pas ici », admet d’ailleurs celui-ci en recevant Le Monde dans ses bureaux. Cet historien de 65 ans est un ancien communiste devenu spécialiste des massacres menés par les partisans de Tito au sortir de la seconde guerre mondiale, dont il assure qu’ils ont fait plus de morts en Slovénie que le nazisme.

Tout en reconnaissant un côté bouillonnant à M. Jansa, il condamne la « terrible quantité d’efforts pour le détruire » dont ferait l’objet ce héros de l’indépendance de la part de la gauche slovène. « Ma prédécesseure n’a rien fait quand elle était là », fustige-t-il.

En novembre 2020, une pétition signée par 150 intellectuels et universitaires du monde entier a pourtant dénoncé « une prise de contrôle des institutions culturelles » par « des limogeages de fait ». Plusieurs manifestations ont réuni des milliers de Slovènes ces derniers mois pour protester.

Menée au nom « de l’élimination des biais potentiellement politiques » par le ministre de la culture Vasko Simoniti, cette vague de remplacements a « suivi un processus qui respecte toutes les régulations », a répliqué le ministère de la culture dans plusieurs communiqués, rappelant que les mandats des directions sortantes arrivaient à leur terme et les accusant « d’être alignées sur la gauche ».

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