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Covid-19 : que sait-on du variant indien, ce “double mutant” qui fait trembler la planète ?

Les autorités sanitaires françaises ont annoncé vendredi que trois nouveaux cas du variant indien du Covid-19 avaient été détectés en Nouvelle-Aquitaine, portant à cinq le nombre de contaminés par cette « double mutation ». Mais que sait-on de ce variant, accusé par certains d’avoir provoqué une explosion des contaminations en Inde et mené le pays au bord du gouffre ?

L’Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine parle d’une situation « sous contrôle ». Trois nouveaux cas du variant indien du coronavirus ont été détectés dans la région française, concernant un couple en Lot-et-Garonne et un homme à Bordeaux, a annoncé vendredi 30 avril l’ARS locale. Cela porte à cinq le nombre de cas de ce variant en France métropolitaine.

Détecté dans au moins 17 pays dans le monde, le variant indien sème la peur sur la planète, car l’Inde connaît une très forte dégradation de sa situation sanitaire depuis quelques semaines, que beaucoup attribuent à l’apparition du « double mutant » sur son sol. Pourtant, on ne peut affirmer pour l’instant qu’il s’agisse du seul responsable de l’explosion de cas dans le pays, expliquent les spécialistes.

Si très peu de données sont actuellement disponibles sur les caractéristiques du variant indien, il a été repéré pour la première fois le 5 octobre 2020 près de Nagpur, dans le centre de l’Inde.

Les mutations d’un virus sont un phénomène « normal lors d’une épidémie », rappelle Fernanda Grassi, médecin infectiologue au Brésil, dans un entretien à France 24. « Les mutations ont lieu quand on a un taux de transmission fort », et le virus, passant d’une personne à l’autre, « crée des mutations aléatoires dans son code génétique », poursuit-elle.

« Tous les virus, y compris le Sars-CoV-2, changent avec le temps, et cela aboutit à l’émergence de nouveaux variants, dont la plupart n’a pas d’impact en termes de santé publique », souligne l’OMS. Tout dépend en effet des mutations qu’ils portent.

Certains variants, s’ils deviennent plus contagieux, peuvent alors s’imposer, comme cela est le cas pour l’anglais, le sud-africain et le brésilien.

  • Pourquoi parle-t-on d’un « double mutant » ?

Désigné par les experts par le nom de sa lignée B.1.617, le variant indien « résulte de quinze mutations spécifiques », précise Anurag Agrawal, directeur de l’Institut de génomique et de biologie intégrative de New Delhi, dans enquête du Monde.

Les craintes liées à ce « double mutant » viennent du fait qu’il contient « deux mutations déjà connues mais non associées jusqu’ici », appelées L452R et E484Q, selon le Conseil scientifique français dans une note publiée lundi 26 avril. La « combinaison » de ces deux mutations a parfois valu au variant « le nom inapproprié de ‘double mutant’ » dans les médias », poursuit l’instance.

Ces « deux positions semblent être particulièrement puissantes, parce qu’elles peuvent échapper aux anticorps », poursuit Anurag Agrawal. La première, L452R, avait déjà été détectée en Californie.

Quant à la seconde, E484Q, elle ressemble à la mutation E484K : présente dans les variants sud-africain et brésilien, cette dernière est suspectée d’amoindrir l’immunité acquise par les patients par une infection, soit par les vaccins. Soit un effet d’ »échappement immunitaire (post-infection et post-vaccinal) », dont s’inquiète Santé publique France dans son rapport sur les derniers variants publié le 8 avril dernier, « bien que cela ne soit pas encore formellement démontré à ce stade ».

  • Est-il donc résistant aux vaccins ?

« Lorsqu’une épidémie est hors de contrôle et que de nouveaux variants apparaissent, ces derniers peuvent devenir résistants aux anticorps créés par la vaccination », explique Fernanda Grassi.

Une étude préliminaire sur le variant indien, rendue publique le 23 avril, va dans ce sens pour le vaccin Covaxin. Développé par le laboratoire indien Bharat Biotech, celui-ci serait moins efficace contre le variant local que contre le virus historique, au niveau de la production d’anticorps, mais il offrirait tout de même une protection.

Une autre question reste à éclaircir : même si certains variants rendent les vaccins moins efficaces, cela ne veut pas dire que la vaccination n’est plus efficace du tout. Selon une étude publiée le 30 mars par les Instituts nationaux de santé américains (NIH), l’autre défense du corps (« l’immunité cellulaire ») parviendrait à offrir une protection contre les variants anglais, sud-africain et brésilien.

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  • Est-il plus contagieux ?

Les données disponibles ne peuvent affirmer avec certitude si le variant indien est plus contagieux. Pour Christian Rabaud, infectiologue au CHRU de Nancy, ce variant « est à la fois plus transmissible, à l’image du variant anglais, et moins sensible aux vaccins », affirme-t-il dans un entretien à France 24.

Les premières observations montrent qu’il a « un taux de croissance plus élevé que les autres variants en circulation en Inde, ce qui suggère une plus grande transmissibilité », explique l’OMS dans un point daté de mardi 27 avril. Le Conseil scientifique français opine lui que « la combinaison de deux mutations déjà connues mais non associées jusqu’ici » pourrait lui conférer « une transmission augmentée, mais ceci reste à prouver au plan épidémiologique ».

Une nuance est à souligner, selon Christian Rabaud : « Il est certes plus transmissible, mais par rapport à la souche historique. On ne sait pas s’il l’est par rapport au variant anglais. » Ce dernier est d’ailleurs majoritaire en Inde, sauf dans le Maharashtra, où il est supplanté par l’indien.

Des responsables justifient la dégradation de la situation en Inde par l’apparition du variant. Le pays a déclaré samedi 1er mai au matin un nouveau record mondial de 401 993 nouvelles contaminations et plus de 3 500 décès ces dernières 24 heures, tandis que des images de crématoriums submergés par les corps faisaient le tour du monde.

Mais d’autres paramètres peuvent entrer en ligne de compte dans l’aggravation de la situation du pays. Selon un avis de l’OMS, elle pourrait en partie s’expliquer par les « gros regroupements de population durant des fêtes culturelles et religieuses ou les élections », avec un manque de respect des gestes barrières.

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Il n’existe pour l’instant aucune preuve que le variant indien serait plus dangereux que les autres souches du virus, ou qu’il pourrait mener à des formes plus graves de la maladie chez les patients. « On ne sait pas encore s’il a une charge virale plus importante, qui pourrait indiquer une plus grande dangerosité », résume Dr Rabaud.

Face à l’absence de données, il n’a été placé mardi par l’OMS que dans la liste des « variants d’intérêt » : ceux dont les caractéristiques génétiques potentiellement problématiques justifient une surveillance. Les trois autres variants plus connus (anglais, sud-africain et brésilien) sont eux les seuls dans la catégorie au-dessus : « variants préoccupants ».

  • Peut-il devenir majoritaire en France ?

Selon les experts, le scénario du variant indien supplantant le variant anglais – actuellement majoritaire en France – est peu probable.

Pour l’instant, l’ARS Nouvelle-Aquitaine a porté à cinq le nombre total de ce variant en France métropolitaine. Cela après deux autres cas détectés dans les Bouches-du-Rhône la veille. Si le directeur régional de l’ARS Nouvelle-Aquitaine, Benoît Elleboode, n’a pas exclu qu’ »on trouve plusieurs cas en France dans les jours à venir », il a toutefois assuré que la situation était « sous contrôle » et les cas de ce variant apparus en France et en Europe « circonscrits ».

« Même s’il gagne du terrain, le variant indien ne va pas forcément supplanter le variant anglais, si celui-ci est plus transmissible », explique Christian Rabaud. « On peut en revanche imaginer le cas de figure où, grâce à la vaccination, le variant anglais serait complètement contrôlé. Et à ce moment-là, l’indien prendrait le dessus, car il semble être en partie résistant à la vaccination et, en plus, il n’aurait plus de concurrence avec l’anglais. »

Pour l’infectiologue, « il pourrait s’installer comme les autres variants », malgré les très rares cas en France, « seulement s’il s’avère plus transmissible que l’anglais. On peut prendre l’exemple du variant sud-africain : celui-ci est actuellement moins présent en France, alors qu’il est là depuis plus longtemps que l’anglais. »

Même son de cloche chez les autorités sanitaires, qui jugent un tel scénario très peu probable, grâce aux « mesures mises en œuvre au départ et à l’arrivée quand on vient de (l’Inde), l’isolement et la quarantaine systématiques et le système de dépistage de droit commun », affirme Benoît Elleboode.

Pour le Dr Rabaud, ces mesures de restriction sont « nécessaires, mais seront-elles suffisantes ? Je ne sais pas ».

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