ReportageCarlos, Ricardo, Alejandra, Leopoldo ont traversé le Mexique dans l’espoir de franchir la frontière américaine. Refoulés ou en attente, ces mineurs centraméricains isolés sont de plus en plus exposés aux violences du crime organisé.
C’est la troisième fois que Carlos, Hondurien de 13 ans, tente la traversée jusqu’aux Etats-Unis. « Là, ça va marcher avec Biden », espère le frêle adolescent aux cheveux châtains et aux yeux noisette, assis dans l’immense patio bétonné du refuge Cafemin, planté au nord de Mexico. Il voyage seul. « Pour avoir plus de chances de passer », confie Carlos – son prénom a été modifié pour sa sécurité à la demande de Cafemin, où il fait une pause à mi-parcours de son odyssée de tous les dangers.
Carlos a rejoint la déferlante d’enfants et d’adolescents centraméricains, accompagnés ou non, qui traversent le Mexique pour rejoindre les Etats-Unis, attirés par la nouvelle politique migratoire « humaniste » de Joe Biden, notamment envers les mineurs. Cette vague historique, qui provoque une crise à la frontière américaine, expose les plus jeunes aux extorsions des policiers ripoux et aux violences du crime organisé.
L’ambiance est paisible dans cette ancienne école transformée, depuis 2012, en refuge de migrants par la congrégation des Sœurs joséphites. Sous le dôme en taule qui coiffe le patio, un groupe d’enfants d’à peine 8 ans jouent à des jeux de société. A l’écart, leurs mères discutent. Non loin, cinq adolescents sont blottis les uns contre les autres. Ils écoutent une mini-sono qui distille du reggaeton à bas volume, sous le regard bienveillant de sœur Maria Magdalena Silva Renteria, directrice de Cafemin, en jupe noir et chemisier blanc.
Refuges « pleins à craquer »
La religieuse septuagénaire a dû s’adapter à « l’effet Biden » : « Notre refuge était réservé aux femmes. Mais l’appel d’air migratoire provoqué par ses annonces nous a contraints à accueillir des enfants, seuls ou en famille. Nous frôlons la saturation. Au nord, les refuges sont pleins à craquer. » En mars, plus de 172 000 clandestins ont été arrêtés par les gardes-frontières américains, la plupart centraméricains. Ce boum de 71 % en un mois représente la plus forte hausse mensuelle depuis quinze ans. Parmi eux, les mineurs isolés ont doublé (18 890 en mars), saturant les refuges américains.
Pas de quoi décourager pour autant Carlos, parti d’abord en avion puis, une seconde fois, en bus avec un oncle à l’âge de 12 ans. « J’ai été expulsé, chaque fois, sans voir ma mère qui vit (illégalement) aux Etats-Unis depuis trois ans », soupire l’adolescent, élevé dans la misère par sa grand-mère, depuis le départ de sa mère et le décès de son père. Mais, cette fois, il a bon espoir : « On raconte que Biden est moins “malo” [mauvais] que Trump avec les enfants, alors je suis parti seul. »
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