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L’omniprésence de la mort, clé du fatalisme brésilien face au Covid-19

Analyse. La question revient sans cesse : comment parvient-il à tenir ? Jair Bolsonaro est certes un homme habitué aux tempêtes. Mais alors que le Brésil, ravagé par le variant P1, paria sur la scène internationale, approchant des 400 000 morts dus au Covid-19, s’enfonce chaque jour davantage dans l’hécatombe humanitaire, chacun s’interroge sur l’étonnante capacité de résilience du leader d’extrême droite.

Sa responsabilité dans le drame en cours est pourtant édifiante : Jair Bolsonaro a successivement nié l’épidémie, empêché toute mesure de confinement, refusé la négociation de vaccins, ralenti les plans d’immunisation. Dans n’importe quelle autre démocratie, on imagine mal un tel leader se maintenir au sommet de l’Etat. Et pourtant, envers et contre tout, voilà le président toujours fermement amarré au pouvoir, disposant d’une popularité intacte chez 25 % à 30 % de la population et d’une solide majorité au Parlement.

Effondrement vertigineux

Depuis un an, aucune manifestation de masse n’est venue remettre en cause son magistère. A la différence des Chiliens, Algériens, Libanais, Irakiens ou Hongkongais, les Brésiliens en colère n’ont pas bravé le Covid-19 pour descendre dans la rue et crier leur rage, se contentant de petits défilés en voiture et de concerts de casseroles. Des protestations qui apparaissent comme bien timides, sinon insignifiantes, en comparaison de l’effondrement vertigineux du pays.

Les principales raisons de cette situation sont connues : socle de popularité inébranlable chez sa base militante, crise économique, peur du retour de la gauche au pouvoir, habile accord politique négocié avec les parlementaires du centre. Mais cela n’explique pas tout. Car la crise du Covid-19 a mis à jour une donnée plus profonde et plus essentielle, permettant à Jair Bolsonaro de se maintenir au pouvoir : le rapport du Brésil à la mort.

Dans l’imaginaire, le Brésil est un pays de fête associé au carnaval, à la samba, au football et à la caïpirinha, le cocktail national. Le pays exporte depuis toujours, à l’envi et avec succès, son image de démocratie métissée, « terre d’avenir », de joie de vivre et d’amour facile. Le Brésil, ce paisible géant « éternellement étendu dans son berceau sublime », comme le proclame même l’hymne national.

Rien n’est pourtant plus faux. Le Brésil est avant tout un pays violent. Une étude, publiée en 2017 par l’organisation Small Arms Survey, chiffrait à plus de 70 000 le nombre de Brésiliens décédés de mort violente chaque année. Plus d’une sur dix sur la planète a lieu dans le pays, champion toutes catégories des morts par balle, violences policières, féminicides, attaques contre les minorités sexuelles ou indigènes. En nombre total de victimes, le Brésil dépassait, en 2017, l’Inde, six fois plus peuplée, et la Syrie, plongée dans la guerre civile.

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