Au crépuscule, un pick-up repart rempli de charbon. Devant cette mine désaffectée à deux heures de Johannesburg, Bonginkosi Mhlanga jette sa pioche sur l’épaule: mineur illégal, il restera au fond jusqu’au petit jour.
Ils sont des dizaines de milliers de « zama zamas » en Afrique du Sud, qui compte plus de 30% de chômeurs. Ceux « qui essayent et essayent encore », en zoulou, se partagent les restes d’anciens puits abandonnés car plus assez rentables, souvent en même temps que la main-d’oeuvre locale, créant des poches de pauvreté.
Bonginkosi dévale les 82 marches qui mènent des dizaines de mètres sous terre. Elles deviennent rapidement humides et glissantes. L’air se resserre.
Le couloir de la mine est haut d’1,60 m. Quelques fantômes, l’échine courbée, passent dans l’obscurité profonde, un sac de charbon sur le dos. Ils remontent à la surface le fruit de leur travail d’un ou plusieurs jours.
Plus on avance, plus le plafond semble bas. Le labyrinthe s’étend sur des centaines de kilomètres.
A la lueur d’une lampe frontale, Bonginkosi tape fort. Il fait voler des éclats noirs qu’il empile à mains nues dans de vieux sacs de farine. Du charbon brut qu’il vendra à un prix dérisoire, 500 rands la tonne (moins de 30 euros).
« C’est mon spot », montre-t-il à l’AFP, désignant une veine de deux mètres de large. Sous terre aussi, il y a des règles: « Je nettoie mon coin, j’en prends soin et personne n’y touche ».
– Poison lent –
Chaque année, dans ce pays qui tire 8% de ses richesses de l’extraction de minerais, des mineurs illégaux meurent dans des effondrements ou des explosions dans des sites abandonnés. Selon l’Association nationale des mineurs indépendants (NAAM), l’Afrique du Sud compte 6.000 mines désaffectées.
« Quand tu descends, tu ne sais jamais si tu vas remonter », soupire Bonginkosi, 31 ans. Des mauvaises expériences, il a en eu, mais il n’est pas causant sur le sujet. « Si ça arrive, tu laisses tout et tu cours ».
Les groupes miniers « viennent, extraient et partent en laissant derrière eux les travailleurs locaux, qui ont parfois contracté des maladies », résume Zethu Hlatshwayo, porte-parole du NAAM.
L’eau, l’air sont pollués. L’asthme est une maladie courante dans la région, selon le NAAM et le Kuthala group, organisme de défense de l’environnement présente dans ce coin de la province du Mpumalanga (nord). Mais difficile d’obtenir des données précises des autorités sanitaires.
Le charbon empoisonne lentement ces « gueules noires » mais c’est leur seul revenu. Alors les mineurs illégaux d’Ermelo, cité minière déshéritée depuis la fermeture de plusieurs sites, espèrent un jour obtenir des permis.
Il y a trois ans, 800 « zama zamas » des mines de diamants de Kimberley (centre) étaient régularisés, les autorités tentant ainsi de freiner l’exploitation illégale.
Dans le Mpumalanga, le charbon abonde à faible profondeur. Le haut plateau fertile couvert de lacs et de marais compte aussi douze centrales électriques, c’est ici le cœur de l’industrie sud-africaine du charbon. Et l’endroit du monde où l’air est le plus pollué, selon Greenpeace.
– Polluer ou manger –
En fin d’après-midi, dans les vastes townships autour d’Ermelo, l’odeur intense de combustion donne mal au crâne. D’épaisses fumées grises s’échappent des toits des maisons en tôle: ici, tout marche au charbon, le chauffage, la cuisine.
« C’est tout ce qu’on a », explique Buhle Nkosi, enceinte de sept mois, dans le township de Wesselton. Dans son espace exigu, un poêle à charbon, seule source d’énergie. Pas de raccordement à l’électricité, pas d’eau courante. Pas non plus de toilettes.
L’Afrique du Sud tire 80% de son électricité du charbon et exporte vers la Chine et l’Europe. Le pays est aussi le 12e plus gros émetteur de gaz à effet de serre. Les énergies propres, solaire ou éolien, pèsent moins de 2%.
Selon l’ONG sud-africaine groundWork, les centrales à charbon vieillissantes, mal entretenues, seraient responsables de 2.239 décès par an dus à des maladies cardiaques, infections respiratoires et cancers.
Le gouvernement veut réduire à 59% cette production d’ici 2030. Mais « ces choses prennent du temps et nous, on a faim aujourd’hui », dit Zethu Hlatshwayo.
« La pollution ne nous fait pas autant souffrir que la faim. Désolé pour la prochaine génération, mais nous, on souffre aujourd’hui », s’excuse Eddie Malaga, un mineur illégal croisé à l’aube. Comme beaucoup, il tire sur un joint avant d’aller au fond de la mine.
Il fait jour depuis un moment quand Bonginkosi Mhlanga remonte ses derniers sacs de charbon au prix d’un incroyable effort. En douze heures de travail, il n’atteint pas la tonne. Il est payé 250 rands, soit 15 euros.
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