Tribune. Obama en a peut-être rêvé, mais Biden l’a fait. Pour la première fois, un président des Etats-Unis en fonctions a qualifié de génocide l’extermination des Arméniens de l’Empire ottoman. Bien sûr, les chefs de l’Etat français l’avaient précédé depuis 1984. En remontant plus loin, l’Uruguay peut s’enorgueillir d’être le premier Etat à avoir fait mémoire de l’évènement, en 1965.
Et, depuis le centenaire de 2015, les déclarations des pouvoirs législatifs se sont multipliées, y compris de la part d’alliés de la Turquie : le Bundestag allemand, le Parlement néerlandais et le Congrès américain.
Mais l’arbitrage du chef de l’exécutif de la première puissance mondiale, même s’il n’a aucune valeur juridique universelle, fait date, clôt une ère et en ouvre une autre. Malgré le poids du temps écoulé et la faiblesse des plaignants, l’histoire échappe aux vainqueurs. En replaçant le crime dans la lumière d’aujourd’hui, elle remet peut-être l’avenir en mouvement.
Une conjoncture géopolitique nouvelle
La demande formulée depuis la fin des années 1960, dans le contexte de la convention onusienne sur l’imprescriptibilité des génocides, a opposé le pot de terre des diasporas arméniennes au pot de fer d’une Turquie membre essentiel de l’OTAN. Certes le dossier, exhumé par les Arméniens et repris par les historiens, contenait assez de documentation internationale et de points de rencontre avec la Shoah (à commencer par le travail sur les massacres d’Arméniens du créateur du concept de génocide, Raphael Lemkin) pour convaincre rapidement de son évidence les opinions et les scientifiques.
Mais il n’en a pas été de même au niveau politique, du fait du refus inlassable des gouvernements turcs successifs. Puis les Parlements ont reconnu les faits, suivis des exécutifs, et enfin de la clé de voûte du système d’alliances sur lequel s’appuie la Turquie, la présidence des Etats-Unis. Si la balance a fini par pencher vers la vérité, c’est parce qu’une conjoncture géopolitique nouvelle l’y a aidé.
Une rencontre s’est produite entre la nouvelle doctrine diplomatique américaine et la situation de l’Arménie. Barack Obama avait pour priorité de renouer le dialogue avec l’islam. Cette approche a eu pour résultat les « printemps arabes », mais n’offrait guère de protection aux minorités. Plus universaliste, Joe Biden a pris pour boussole les droits de l’homme et la démocratie. En 2021, les Arméniens cochent les deux cases.
Ce geste d’intérêt redonne du moral à l’Arménie
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