Pendant des années, Spiwe Tembo, mère célibataire zimbabwéenne de 34 ans, a vendu des confiseries dans les rues de Harare, gagnant assez pour faire vivre ses trois enfants. Mais sa chance, avec l’arrivée du Covid, a tourné.
Depuis l’interdiction de la vente de rue, il y a un an, dans le cadre d’une série de mesures visant à limiter la propagation du coronavirus, elle joue au chat et à la souris avec la police qui ratisse les quartiers pour les débarrasser des vendeurs.
« C’est rude », dit-elle en soulevant un sac plein de brioches qu’elle espère vendre à des passants. « On se fait arrêter par la police municipale et nationale ». Soudoyer les policiers pour éviter une arrestation ou alors une amende et la confiscation de sa marchandise, est devenu le quotidien de son « travail ».
« Presque tous les jours, je donne un peu d’argent aux policiers pour éviter d’être arrêtée », dit-elle en agitant un paquet transparent de brioches dodues pour attirer l’attention de potentiels clients dans une rue bondée du quartier surnommé « Tiers Monde » en raison de sa promiscuité.
Les jours où elle n’a pas d’argent, l’inévitable se produit, elle est arrêtée et la police saisit ses petits pains.
Elle appelle alors « des amis pour qu’ils viennent au poste » payer son amende. Pourtant, elle ne renonce jamais. « Le lendemain, je repars à zéro après avoir emprunté une mise à des proches ».
Bien souvent, elle rentre chez elle les mains vides.
La vie est devenue si dure qu’elle a du envoyer se enfants dans la famille, elle n’a plus assez pour s’en occuper.
Le porte-parole de la police Paul Nyathi, interrogé par l’AFP au sujet des bakchichs, n’a pas souhaité répondre.
– « Gagner sa vie » –
Emily Chipwanya vend des boissons pour compléter les revenus de son mari fonctionnaire, trop maigres pour tenir d’une paye à l’autre. « Avant le Covid, ça marchait bien parce que beaucoup de gens venaient en ville », dit-elle à l’AFP, en trimballant un petit seau contenant des boissons fraîches.
Non seulement on vend moins, mais « maintenant on se fait arrêter en plus. On ne sait plus comment faire pour gagner sa vie ».
« C’est un pari ». Renouvelé chaque jour.
La jeune femme mangeait trois repas par jour. « Maintenant c’est un seul ».
Kenneth Tauro, 26 ans, avait un stand très couru de fripes sur le marché du plus grand township de Harare, appelé Mupedzanhamo, « l’endroit où la pauvreté prend fin » en shona, la langue locale. Il est fermé depuis un an.
Il tente de vendre ses vêtements ailleurs mais sans grand succès. Il gagne moins de 10% de ce qu’il gagnait avant la pandémie. « Je ne peux même pas vous dire quand j’ai mangé trois fois dans la même journée », glisse-t-il à l’AFP.
Au Zimbabwe le Covid a officiellement infecté 38.000 personnes et en a tué 1.500, sur une population de 14 millions. Il a aussi plongé des millions de gens dans une pauvreté accrue, dans un pays déjà en proie à une crise économique terrible, inflation élevée et pénuries alimentaires permanentes.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a récemment alerté d’une « forte baisse du niveau de vie » parmi les pauvres des zones urbaines. La faim progresse, avec 2,4 millions de gens luttant pour subvenir à leurs besoins fondamentaux.
Les fermetures imposées pour contenir la pandémie leur « ont porté un coup sévère » car « beaucoup étaient des salariés quotidiens vivant au jour le jour », selon le PAM, qui verse déjà des allocations mensuelles en espèces à plus de 300.000 urbains.
« La pauvreté a empiré, en particulier dans les zones urbaines », confirme l’économiste Prosper Chitambara. Il souhaiterait des aides d’Etat pour protéger les employés informels mais reconnaît qu’il s’agirait de la majorité des Zimbabwéens: moins de 10% des personnes aptes au travail ont un emploi formel.
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