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Après 30 années au pouvoir, le président Idriss Déby Itno est mort le 20 avril dans des combats contre des groupes rebelles, selon l’armée. Son fils, Mahamat Idriss Déby, a été désigné pour lui succéder. Dans ce pays du Sahel pauvre et menacé d’instabilité, les défis auxquels le nouveau président fait face sont immenses.
L’opposition tchadienne a dénoncé un « coup d’État institutionnel » et appelé à « l’instauration d’une transition dirigée par les civils (…) à travers un dialogue inclusif ». Mais, partout ailleurs, dans le concert des nations, la mise en place d’un Conseil militaire de transition (CMT) dirigé par Mahamat Idriss Déby, le 20 avril, n’a suscité aucune condamnation.
À 37 ans, le fils du président Idriss Déby Itno, mort au cours de combats contre des groupes rebelles selon l’armée, endosse la fonction de « président de la République » et de « chef suprême des armées ». Quelques heures après sa formation, le Conseil militaire a suspendu la Constitution, dissout l’Assemblée nationale, démis le gouvernement, instauré un couvre-feu et fermé les frontières.
Après quelques jours de flottement, il a finalement été décidé que « les membres du gouvernement en place rest[aient] pour l’instant en fonction pour expédier les affaires courantes » et que les frontières seraient rouvertes, note l’International Crisis Group dans une mise au point publiée le 22 avril.
Assurer une transition démocratique
La première tâche de Mahamat Idriss Déby devrait donc être celle d’assurer une transition démocratique à un pouvoir civil. Le CMT a déclaré que le passage de pouvoir se ferait dans un délai de 18 mois.
Mais cette échéance est loin de rassurer les partis d’opposition. Ils craignent que le président du Conseil militaire ne s’accroche au pouvoir. « Même si on parle de 18 mois, après, les gens sont capables de créer une rébellion pour pouvoir prolonger. Le fils du président a presque l’âge que son père avait quand il a pris le pouvoir […]. Mahamat Idriss Déby va faire encore 30 ans au pouvoir. Ce sont nos craintes », a confié François Djékombé, président du parti Union sacrée pour la République, à RFI.
Des craintes qui ne sont pas infondées. « Dans la charte que le CMT a publiée, il est indiqué que cette période de transition de 18 mois peut être prolongée une fois, à la majorité des membres du Conseil de transition. Mais c’est le président qui les désigne, donc ils n’auront sans doute pas la possibilité de refuser la prolongation », souligne Kelma Manatouma, chercheur tchadien en sciences sociales à l’université Paris-Nanterre, contacté par France 24.
Autre inquiétude de la population en ce qui concerne la mise en place du CMT : le silence de la communauté internationale. « Il y a un ahurissement de la population tchadienne. Pas seulement vis-à-vis du coup d’État, mais aussi vis-à-vis de la communauté internationale qui soutient ça sans la moindre résistance », note Roland Marchal, chercheur au Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po, interrogé par France 24.
Dès l’annonce de la création du Conseil militaire, les partis d’opposition, mais aussi les organisations de la société civile, ont dénoncé « un coup d’État institutionnel » et réclamé le retour à l’ordre constitutionnel. Plusieurs syndicats ont appelé à la grève et la plateforme d’opposition Wakit Tama a appelé à des manifestations.
Contenir les tensions au sein de l’armée
Si Mahamat Idriss Déby a été nommé président du Conseil militaire de transition, le fait qu’il succède à son père après 30 ans de pouvoir sans partage pourrait être source de conflit au sein de l’armée. « L’idée d’une dynastie Itno n’est pas quelque chose qui est très acceptée », y compris dans le camp de Mahamat Idriss Déby, souligne Roland Marchal.
Dans un pays où cohabitent plusieurs ethnies, « le fait que ce soit encore un Zaghawa [ethnie d’Idriss Déby Itno, NDLR] […] suscite quelques réticences. Le partage du pouvoir au sein des militaires est un vrai enjeu et cet état de fait va créer quelques troubles », estime le chercheur.
Signe des dissensions au sein de l’armée, une voix dissidente a commencé à se faire entendre. Le général Idriss Mahamat Abderamane Diko a déclaré mercredi à la radio VOA Afrique qu’il existait désormais « deux camps » : d’une part, « l’armée républicaine », dont il se réclame ; d’autre part, « un petit cercle amical militaire » qui veut « sortir du cadre légal pour perpétrer un petit coup d’État ».
Assurer la sécurité à l’intérieur du pays et aux frontières
Les groupes rebelles, dont le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), qui ont tenté mi-avril de marcher sur la capitale tchadienne, « vont se renforcer dans les jours à venir », prédit Roland Marchal, avant de temporiser : « Les Français sont là et ils feront tout pour qu’ils n’approchent pas N’Djamena. »
Il ne s’agit pas de la seule source d’insécurité dans ce pays grand comme deux fois la France. « La situation dans la région du lac Tchad n’est pas stabilisée, Boko Haram est toujours là », souligne Kelma Manatouma, ajoutant qu’ »au nord, la frontière avec la Libye n’est pas sécurisée ».
Il faut ajouter à cela les zones de conflit dans lesquelles le Tchad d’Idriss Déby était directement impliqué. « La disparition de Déby crée mécaniquement une situation plus incertaine dans des pays ou zones voisines, souligne Roland Marchal. La première région où cela risque d’avoir des conséquences très fortes, c’est le Darfour. En Centrafrique également, cela va changer un peu les paramètres de la crise. » La situation au Sahel et au Nigeria pourrait également être affectée.
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Rétablir la situation économique
Autre grand défi auquel devra faire face Mahamat Idriss Déby, et pas des moindres : le rétablissement de la situation économique du pays. En 2014, une chute des prix du pétrole a entraîné une crise économique et obligé l’État à licencier de nombreux fonctionnaires. Depuis, le chômage est toujours important et le manque de diversité de l’économie limite la création d’emplois.
Le Tchad produit toujours du pétrole mais ne parvient pas à en tirer de bons prix, selon Roland Marchal, qui explique cela par la mauvaise qualité du brut tchadien.
Le chercheur rappelle qu’avant sa mort, Idriss Déby « venait de prendre la présidence du G5 Sahel et d’obtenir un prêt de la Banque africaine de développement ». Selon lui, cet argent serait déjà dépensé. « Les dirigeants tchadiens vont se tourner vers leurs principaux soutiens internationaux et vont dire qu’ils ont besoin d’argent parce que la transition coûte cher, qu’il faut calmer la société civile. Évidemment, une bonne partie de cet argent se retrouvera sur des comptes en banque en Afrique du Sud, peut-être même en France », déplore-t-il.
Et le chercheur de conclure : « Il y a peu de choses à espérer pour la population. Mahamat est le fils de son père et les gens autour de lui sont les principaux acolytes de son père, donc s’il était soucieux de la population, on l’aurait su avant. »
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