Quarante ans après sa légendaire victoire sur Liège-Bastogne-Liège sous la neige où seuls 21 coureurs sur 174 termineront, Bernard Hinault attend qu’un français puisse lui succéder. À cinq jours de l’un des monuments du cyclisme il porte un regard protecteur sur Julian Alaphilippe.
Bernard Hinault, 40 ans après votre victoire épique sous la neige et le froid qui vous avait gelé les doigts, est-ce que certaines vieilles douleurs se réveillent à l’approche de la doyenne ?
Ça ne les fait pas revenir, elles sont là. C’est surtout quand il fait froid, j’ai les doigts hyper-sensibles. Mais ce n’est pas une douleur psychologique, peut-être parce que ce jour-là j’ai gagné. Mais comme je dis souvent je n’étais pas obligé de prendre le départ. J’aurai pu faire comme les autres abandonner. Mais une fois qu’on est parti, on est parti. Ce n’est pas le moment le plus fort de ma carrière mais c’est une journée vraiment particulière du fait de la neige et des conditions exceptionnelles. On a rarement vu des courses avec des conditions comme celle-là.
C’est l’un des cinq monuments du cyclisme, quelles sont ses particularités ?
Quand nous on la faisait c’était différent car sur les quatre-vingts derniers kilomètres, vous aviez les seize difficultés. Aujourd’hui, c’est mieux réparti et l’arrivée n’est plus au même endroit. C’est jamais facile mais complètement différent.
Julian Alaphilippe porte le maillot de champion du monde, est-ce qu’avoir ce maillot sur le dos lors de la saison 1980-1981 a changé quelque chose pour vous ?
Non, rien. Il fallait concourrir, être tous les jours devant comme d’habitude. Il y a un peu plus d’obligations. Et pour moi ça avait changé un petit peu car je m’étais mis en conditions beaucoup plus tôt que d’habitude. Fin mars, j’étais en conditions comme pour les classiques belges car on doit honorer ce maillot. C’est très important.
Que pensez-vous du début de saison de Julian ?
Il est plus que correct. Il a gagné, il est bien présent. Il a aussi le maillot sur le dos donc c’est peut-être plus difficile d’aller chercher quelques victoires car vous avez tout le monde sur le paletot. Mais ça fait partie de la course donc il faut être encore plus fort que les autres.
Vous avez le sentiment que ce maillot lui pèse ? Peut-être car il y a plus de médiatisation qu’il y a quarante ans…
Non je ne pense pas. C’est quelqu’un qui est équilibré, quelqu’un qui connaît bien ses capacités. Je ne pense pas que ça change grand-chose pour lui. Je lui fais confiance. Il a les pieds sur terre. Il est bien dans sa tête. Il ne va pas aller au-dessus de ses moyens pour montrer son maillot. Il le fera quand il sera vraiment capable de pouvoir le faire.
C’est le coureur français numéro un pour vous succéder sur cette course ?
Ça serait-génial qu’il puisse la gagner mais il y a beaucoup de monde. Il a déjà été placé et sur la Flèche Wallonne également. Déjà, il faut savoir qui sera au départ et on verra demain les performances des coureurs sur la Flèche. C’est une indication car la difficulté finale dans le mur de Huy montre la force et les capacités de chaque coureur. Ceux qui sont dans les dix premiers ont plus de chances d’être à l’arrivée de Liège-Bastogne-Liège.
Julian Alaphilippe a eu du mal à suivre les meilleurs sur l’Amstel, peut-il retrouver son meilleur niveau en huit jours ?
Il n’y a pas de raison. Il sait se préparer. Si c’est un objectif pour lui, il sera présent. Et puis il y a aussi le jeu d’équipe. Ils vont se retrouver avec plusieurs candidats à la victoire finale et Julian peut servir un peu de bouc émissaire en bloquant tous les autres, ce qui permettra à un autre d’aller faire la course et la gagner.
Il aura l’avantage de n’avoir ni Van Aert ni Van Der Poel, leur début de saison vous a impressionné ?
On est toujours impressionné par ces coureurs de la nouvelle génération. Il y a aussi le petit anglais Pidcock qui marche super bien après avoir fait une saison de cyclocross. On a une très belle génération de jeunes. Ils ne se posent pas de questions et il y en a d’autres comme Evenepoel. Je ne comprends pas qu’on ne l’ai pas mis un peu sur les classiques. Il va attaquer directement avec le Tour d’Italie, c’est une petite erreur. Mais on verra le résultat à la sortie.
Le Tour de France débute dans deux mois, avez-vous des craintes en raison des conditions sanitaires ?
Il faut être serein. Le Tour a eu lieu l’an dernier dans des conditions un peu particulières. Ça sera un peu la même chose. On n’aura pas des gens tout près de l’arrivée à cause du Covid mais je crois qu’il faut être confiant. Les coureurs vont pouvoir faire plus de compétitions donc les conditions physiques seront meilleures. Il y a des candidats à la victoire finale qui seront là, d’autres qui voudront peut-être aller aux Jeux Olympiques et qui s’arrêteront pendant le Tour. C’est un peu particulier mais il y en a un qui gagnera le Tour !
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