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« Je fais ma prière et je regarde du porno » : « Eib », le podcast qui bouscule les tabous arabes

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LETTRE DE BEYROUTH

Exposition des artistes libanaises, Maria Sarkis (à gauche) et Nayala Karam (à droite), à la galerie Suface de Beyrouth, le 21 avril 2007. Exposition des artistes libanaises, Maria Sarkis (à gauche) et Nayala Karam (à droite), à la galerie Suface de Beyrouth, le 21 avril 2007.

Yazan, un Jordanien élevé dans un milieu conservateur, se remémore sur un ton rigolard la première fois où il a consulté un site pornographique. « J’avais 13 ou 14 ans et jusque-là, personne n’avait pu me renseigner sur la sexualité. Notre prof de sciences naturelles, quand on lui demandait l’origine des boutons d’acné, il se mettait à rougir. La découverte du porno, donc, ça a été un moment très spécial. Mais quand j’ai rencontré quelqu’un, j’ai compris combien la réalité est différente, combien ces images ont déformé ma vision des femmes. »

Pour Salma, la découverte de cet univers sulfureux remonte à ses 23 ans. « Je savais que mon mec regardait ces sites, ça m’angoissait, alors je suis allée voir par moi même et ça m’a bouleversée. J’ai perdu toute confiance en moi. J’étais certaine que mon copain me comparait avec toutes ces filles. Et puis je me suis mise à aimer ça. Je vois bien que les femmes sont traitées comme des objets, mais ça me donne du plaisir. Je fais ma prière, je crois en Dieu et je regarde du porno. »

Ces deux témoignages sans fard sont issus d’un récent épisode de « Eib », l’un des podcasts « natifs » les plus suivis du monde arabe. Cette interjection (prononcer « ayib »), très usitée au Proche-Orient, qui signifie « honteux », est réservée aux pratiques que la morale dominante réprouve. L’émission, comme son nom le suggère, traite des tabous sociaux, notamment en matière de sexe et de relations hommes-femmes, deux terrains minés dans ces sociétés, en proie à un conservatisme religieux encore très fort.

Parmi les sujets dernièrement abordés par « Eib », outre la pornographie, figurent le harcèlement dans la rue, la répartition des tâches ménagères au sein du couple, les « crimes d’honneur » – l’appellation donnée au Proche-Orient à l’assassinat des femmes accusées d’avoir sali la réputation de leur famille –, l’avortement et les mariages interreligieux. « Ce programme est l’un des rares endroits du monde arabe où l’on peut débattre librement des questions de genre et de sexualité », se félicite Ramsey Tesdell, un journaliste américano-palestinien, patron du label jordanien Sowt, qui regroupe une vingtaine de podcasts en arabe, dont « Eib », son produit-phare.

Récits personnels soigneusement mis en son

Lancée en 2017, l’émission, qui revendique plusieurs dizaines de milliers d’auditeurs par mois, en est aujourd’hui à sa huitième saison. Son concept, nourri de la tradition moyen-orientale du hakawati, le conteur d’histoires, repose sur un partage d’expériences, un ou plusieurs récits personnels, soigneusement mis en son. Le présentateur, qui change selon les saisons, intervient plus ou moins dans les témoignages, destinés à questionner les stéréotypes, les conventions et les interdits, sans asséner de morale alternative toute faite.

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