40 ans après, Cyrille Guimard, consultant pour RMC Sport, raconte l’improbable victoire de Bernard Hinault sur l’Amstel Gold Race de 1981, alors que son équipe n’avait même pas prévu de participer à l’événement.
L’Amstel Gold Race, seule classique néerlandaise du calendrier UCI Wolrd Tour, se déroule ce dimanche à Valkenburg près de Maastricht. Elle n’a que très rarement souri aux Français depuis sa création en 1966. Deux victoires, une pour Jean Stablinski lors de la toute première édition, une autre pour Bernard Hinault en 1981, il y a tout pile 40 ans. Une course que le « Blaireau » n’aurait jamais dû remporter, selon son manager de l’époque, Cyrille Guimard, consultant cyclisme de RMC Sport.
Car à quelques heures encore du départ, début avril 1981, le patron de l’équipe Renault n’avait pas vraiment envisagé d’emmener ses coureurs (dont Bernard Hinault) dans le lointain Limbourg, aux confins de l’Allemagne, de la Belgique et des Pays-Bas. Il faut dire que les Français n’ont clairement pas la culture de cette course placée sous le signe de la bière (deux victoires et aucune autre place sur le podium en 54 éditions pour les tricolores). « On ne veut pas aller faire l’Amstel, confirme Guimard. Aucun Français, et moi non plus ».
Arrivés sur place la veille au soir
Sauf que Renault-Elf-Gitane fait à l’époque partie des grandes formations du cyclisme mondial. Et devant l’insistance de l’Union cycliste internationale, qui menace de mettre l’équipe française à l’amende en cas de désistement, Cyrille Guimard se décide à emmener cinq coureurs avec lui. Dont le Breton Bernard Hinault. Au dernier moment, il va donc faire louer un avion, et les six hommes vont finalement atterrir non loin de Valkenburg, le samedi soir à 22 heures.
« On arrive à l’hôtel, on mange une sorte de plateau repas, on n’a pas de mécanos, pas de soigneurs, pas de vélos de rechange », se souvient, sourire aux lèvres, Cyrille Guimard. L’organisateur de la course met alors une voiture à disposition de l’équipe, avec un chauffeur, un mécanicien, et un assistant pour faire des musettes, le manager n’ayant pris soin d’amener avec lui d’autre membre du staff.
« On arrête pour aujourd’hui »
Le dimanche, les cinq coureurs prennent le départ. Bernard Hinault est très bougon. « Il est en dernière position du peloton, il ne bouge pas, il faisait la gueule comme les autres de l’équipe, raconte Cyrille Guimard. Il avait même un mal de tête, qui a disparu quand il s’est rendu compte qu’il avait trop serré son casque à boudin ». Au point de se porter à la voiture de l’équipe au moment d’un ravitaillement et de lui dire: « On arrête pour aujourd’hui ». Ce à quoi Guimard répond à Hinault: « Bah non Bernard, continue un peu, au moins pour avoir des bornes dans les jambes ».
Finalement convaincu par son manager, le champion décide de continuer la route à bicyclette, et ce alors que ses coéquipiers bâchent quant à eux les uns après les autres. Mais fidèle à sa mauvaise humeur du jour, Bernard fait toute la course en dernière position. « Mais à chaque fois que des coureurs sont lâchés dans les petites bosses, lui les passe », se rappelle Cyrille Guimard.
Trop fort au sprint
Si bien qu’à une dizaine de kilomètres de l’arrivée il fait encore partie d’un gros paquet de 50 coureurs environ. Se disant finalement que quelque chose est jouable, Cyrille Guimard va alors s’enquérir de l’état de forme du porteur du maillot arc-en-ciel de champion du monde, qui lui dit que tout va bien. « Je lui ai dit, bon écoute tu gères tout seul ». Et Hinault fit alors mieux que gérer. « À une borne de l’arrivée, explique le consultant, il a Jan Raas dans la roue qui lui demande d’emmener. Il a emmené tellement fort que Raas a explosé et que De Vlaminck n’a pu revenir qu’au niveau de la roue arrière ».
Et voilà comment Bernard Hinault remporta une course qu’il n’avait pas prévu de courir encore l’avant-veille. Quelques semaines après, il remportera son seul Paris-Roubaix. 1981 sera également l’année qui le verra remporter le troisième de ses cinq Tours de France.
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