Qu’est-ce que la souveraineté? Le pouvoir suprême, à l’intérieur d’une nation ou de plusieurs (si celles-ci sont rassemblées au sein d’un empire ou d’une fédération). Par exemple la souveraineté de Louis XIV, dans la France du XVIIe siècle, ou celle du peuple, dans une démocratie.
L’Etat, c’est moi, aurait dit le premier. La Nation, c’est nous, pourrions-nous dire. Le peuple est souverain lorsque c’est lui qui fait les lois, directement (démocratie directe) ou plus souvent indirectement (démocratie représentative). Il peut donc les défaire, les refaire, les modifier. Il est au-dessus d’elles, et même au-dessus de la Constitution, puisqu’elles n’existent que par sa volonté: il ne leur est soumis que tant qu’il le veut. C’est où la politique prime sur le droit. Une Constitution que le peuple ne pourrait changer ne serait plus démocratique.
L’interdépendance, dans une économie mondialisée, est la règle. L’autarcie, une chimère. La souveraineté serait donc absolue?
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Non pas. Elle ne l’est jamais en fait, comme l’a vu Spinoza, puisque tout pouvoir est toujours limité par des rapports de force, aussi bien internes qu’externes. A quoi bon commander, si l’on n’a pas les moyens de se faire obéir? Et elle ne l’est pas non plus en droit, dans une démocratie
Ne pas confondre souveraineté et indépendance
Aussi la souveraineté s’autolimite-t-elle en se fractionnant: c’est la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire) qui protège les libertés individuelles. Cela toutefois n’annule ni l’unicité de la souveraineté (la République une et indivisible ) ni la multiplicité mouvante des rapports de force (qui s’expriment ultimement, dans une démocratie, par le suffrage universel).
Nous voilà loin des débats du jour! C’est qu’ils se trompent d’objet. Parler de souveraineté à propos de masques, de médicaments ou d’entreprises privées, faire du made in France une religion ou du protectionnisme une panacée, c’est confondre la souveraineté et l’indépendance (qui n’est qu’une de ses conditions), puis l’indépendance et l’autarcie. Qu’il vaille mieux éviter de dépendre totalement de l’étranger, a fortiori d’un seul pays, pour telle ou telle production essentielle, c’est une évidence. Mais ce n’est pas toujours possible: voyez le pétrole, l’uranium ou les terres rares.
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L’interdépendance, dans une économie mondialisée, est la règle. L’autarcie, une chimère. Ce n’est pas en portant des marinières tricotées en Bretagne ou en Normandie qu’on assure l’indépendance de notre pays, encore moins la souveraineté de notre peuple.
Et l’Europe, dans tout ça? C’est la vraie question. Tant que le peuple européen n’est pas souverain (puisqu’il reste soumis au veto de chaque Etat et aux décisions de la Commission européenne), il y aura des démocraties en Europe, mais pas de véritable démocratie européenne, ni donc de souveraineté européenne. Cela laisse le champ libre à toutes les critiques, souvent justifiées, contre la bureaucratie de Bruxelles ou l’impuissance géopolitique de notre continent. Les souverainistes sont moins pour la souveraineté (tout le monde est pour) que contre l’Europe.
Les fédéralistes, dont je suis, sont pour la souveraineté du peuple européen.
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