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Editorial du « Monde ». Le Brexit menace la paix en Irlande du Nord. Cette dramatique évidence n’est pas une découverte. Deux semaines avant le référendum de juin 2016 par lequel les Britanniques ont décidé de quitter l’Union européenne (UE), John Major et Tony Blair avaient lancé ensemble, depuis Derry, cet avertissement solennel.
Ces deux anciens premiers ministres britanniques, artisans de l’accord de paix de 1998 qui a mis fin à trois décennies de guerre civile sanglante, savaient de quoi ils parlaient. Personne, à Londres, n’a voulu les entendre. Cinq ans plus tard, les huit nuits de violences qu’a connues la province britannique sonnent comme une terrible validation de leur mise en garde.
Si des adolescents des quartiers unionistes (protestants favorables au maintien dans le Royaume-Uni) nés après la fin des « Troubles » affrontent la police à coups de pierres et de cocktails Molotov, c’est qu’ils ont le sentiment que leur « communauté » perd du terrain et a été trahie. L’introduction de contrôles douaniers entre la Grande-Bretagne et l’Irlande, le 1er janvier, a créé des pénuries temporaires dans les magasins nord-irlandais. Cette nouvelle « frontière en mer d’Irlande » ébrèche surtout l’idée de l’appartenance à un même pays. Que ce choix ait été fait par Boris Johnson, chef du parti conservateur, dont l’« unionisme » est l’un des fondamentaux, ne peut que confirmer l’impression de trahison.
M. Johnson condamne aujourd’hui la violence. La vérité oblige à dire qu’il en est indirectement responsable. Une frontière en mer d’Irlande ? Il faudra « me passer sur le corps », fanfaronnait-il, en août 2020, peu après avoir signé un accord de rupture avec l’UE qui l’établissait. La nécessité de contrôles résulte d’un choix politique du premier ministre britannique : celui d’un Brexit dur incluant la sortie de son pays de l’union douanière européenne. Pour laisser ouverte la frontière entre les deux Irlandes, condition du maintien de la paix, la seule solution passe par des contrôles en mer d’Irlande, ceux qui, précisément, exaspèrent les unionistes.
Recherche de solutions pragmatiques
Aux mensonges répétés du premier ministre britannique promettant aux Irlandais du Nord « le meilleur des deux mondes » – la province demeure à la fois dans le Royaume-Uni et dans le marché unique de l’UE pour les marchandises – s’est ajouté un reniement de sa signature, avec la suspension unilatérale par Londres des contrôles en Irlande du Nord, brèche dans l’accord de Brexit qui fait l’objet d’une plainte des Vingt-Sept.
Tout doit être fait pour stopper l’engrenage de la violence en Irlande du Nord, province qui doit commémorer en mai le centenaire de sa création. Cela passe par la recherche de solutions pragmatiques pour fluidifier ses échanges avec la Grande-Bretagne. Une telle avancée suppose le retour de la confiance entre Londres et Bruxelles, et donc un engagement de Boris Johnson à respecter les accords qu’il a signés. Qu’un premier ministre pyromane utilise la violence qu’il a contribué à nourrir pour justifier le non-respect de ses engagements serait inacceptable.
Pour les Européens, les événements de Belfast sonnent aussi comme un rappel : le Brexit a ébranlé non seulement l’Europe, mais la cohésion du Royaume-Uni. Les citoyens des provinces britanniques – Irlande du Nord et Ecosse – qui n’ont pas voté majoritairement pour quitter l’Union européenne peuvent à bon droit se demander pourquoi l’idée de souveraineté, mise en avant par M. Johnson au nom du seul nationalisme anglais pour justifier la rupture avec l’UE, ne s’appliquerait pas chez eux.
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