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Le prince Philip, duc d’Édimbourg, époux d’Elizabeth II, est mort vendredi à l’âge de 99 ans, après sept décennies passées au cœur de la vie publique du Royaume-Uni. Portrait d’un noble solidement ancré dans l’ombre de la reine.
Il détenait le record de longévité en tant qu’époux auprès d’un monarque britannique. Prince consort du Royaume-Uni et des royaumes du Commonwealth depuis le 6 février 1952, Philip Mountbatten avait épousé la princesse Elizabeth cinq ans avant l’accession au trône de Sa Majesté.
Il est mort vendredi 9 avril à l’âge de 99 ans, a annoncé le palais de Buckingham. L’époux de la reine Elizabeth avait été hospitalisé récemment pour un problème cardiaque.
« C’est avec un profond chagrin que sa majesté la reine annonce la mort de son époux bien aimé le prince Philip, duc d’Edimbourg », a indiqué le communiqué du Buckingham, précisant que le prince Philip est mort « paisiblement ce [vendredi] matin au château de Windsor ».
Charismatique, réputé pour son sens profond de l’intérêt général, son humour mais aussi pour ses gaffes, le prince Philip était souvent perçu à l’étranger comme une incarnation de la culture britannique. Cependant, ses origines étaient en réalité très cosmopolites et largement européennes, comme celles de la plupart des familles royales du continent.
Philip se considérait avant tout comme Danois, mais nourrissait une certaine fierté pour ses origines russes, allemandes et grecques. En tant que descendant de la famille Romanov, il avait fourni, en 1993, un échantillon d’ADN qui permit d’identifier les corps du tsar Nicolas II, de sa femme et de ses cinq enfants enterrés dans une tombe anonyme de Sibérie. De quoi balayer la légende selon laquelle la grande- duchesse Anastasia avait réchappé du peloton d’exécution lors de la révolution bolchévique de 1917.
Un héros de guerre
Philip est né sur l’île grecque de Corfou, le 10 juin 1921, de l’union d’André, prince de Grèce et du Danemark, et de la princesse Alice de Battenberg, petite-fille du grand-duc Louis IV de Hesse-Darmstadt et arrière-petite fille de la reine Victoria. En 1922, alors que Philip n’a qu’un an, sa famille doit quitter la Grèce, son oncle, le roi Constantin Ier, étant contraint à l’exil après le désastre militaire de la guerre gréco-turque.
Philip suivra ensuite sa scolarité en France et en Allemagne. « Si je n’arrivais pas à trouver un mot dans une langue, j’avais tendance à le dire dans une autre », expliquera-t-il plus tard à The Independant à propos de sa vie au sein de cette famille polyglotte.
Quand Hitler prend le pouvoir en 1933, Philip est interne en Allemagne. Le directeur de son pensionnat, juif, s’enfuit alors au Royaume-Uni, où il fondera une nouvelle école en Écosse, Gordonstoun. Le jeune prince le suit.
Sur les conseils de son oncle, le roi de Grèce George II, Philip quitte Gordonstoun en 1939 pour rejoindre la Royal Navy, alors que le spectre du nazisme menace l’Europe.
Il combat avec bravoure lors de la Seconde Guerre mondiale, principalement en mer Méditerranée, où il est distingué pour son rôle aux côtés des forces grecques lors de la bataille de Crète en 1941. Mais son heure de gloire sonne véritablement en 1943 lors du débarquement des Alliés en Sicile, un an après avoir obtenu le grade de premier lieutenant à bord du HMS Wallace.
La Royal Navy est alors sous le feu d’une intense campagne de bombardements menée par la Luftwaffe, l’aviation allemande, déterminée à couler ce destroyer britannique. Philip échafaude alors un plan : il fait tirer des fumigènes pour faire croire aux Allemands que le bâtiment a sombré. Sans l’intervention de Philip, l’équipage n’avait que « très peu de chances » de survivre, révélera un vétéran, 60 ans plus tard.
Pendant la guerre, Philip et la princesse Elizabeth échangent des lettres. Leur première rencontre remonte à 1939, lors d’une visite du roi George VI, de la future reine et de sa sœur Margaret au Royal Navy College, où Philip s’entraînait. Elizabeth, 13 ans, tombe immédiatement amoureuse du jeune homme de 18 ans et décide de l’épouser.
Ils se marient à l’abbaye de Westminster à Londres le 20 novembre 1947, plusieurs mois après que Philip ne devienne un citoyen britannique et renonce à ses titres de prince de Grèce et du Danemark. Le matin même de la cérémonie, George VI le désigne duc d’Édimbourg.
Philip poursuit sa carrière militaire à la tête de la frégate HMS Magpie pendant un an, là encore en mer Méditerranée, où une grande partie de la Royal Navy est déployée pour freiner l’expansion du communisme. Sa carrière de marin s’achève en 1951. Alors que la santé de George VI commence à décliner, le duc endosse à plein temps le rôle de prince consort. Le roi décède le 6 février 1952. La princesse Elizabeth accède au trône.
Défenseur de l’environnement
Au moment de prendre sa retraite à l’âge de 96 ans, en août 2017, Philip avait participé à plus de 22 000 engagements publics officiels. Il continuait d’accompagner la reine pour certaines apparitions.
Le duc était également à la tête de 780 associations de charité ou d’organisations chargées de promouvoir la préservation de l’environnement, l’apprentissage des sciences et des technologies ou encore la pratique du sport.
Il joua notamment un rôle fondamental dans le développement du World Wildlife Fund (WWF). Il présida la branche britannique de la célèbre ONG à sa création, en 1961, avant d’en prendre la tête au niveau mondial, entre 1981 et 1996, mettant au service de la cause environnementale l’apparat et l’influence de la Couronne.
Mais l’opération de charité la plus célèbre du prince Philip est celle du « Prix international du duc d’Édimbourg ». Créé en 1956 en Grande-Bretagne puis élargi à 144 pays, ce prix reste extrêmement populaire aujourd’hui : plus de 400 000 jeunes britanniques tentent leur chance cette année. Ce programme a pour objectif de développer les compétences et améliorer le bien-être des jeunes à travers le sport, l’engagement dans des actions de charité ou encore la préparation d’expédition en milieu naturel.
« Acceptes-tu de marcher à mes côtés ? »
Le duc était aussi célèbre pour son sens de l’humour piquant, autant que pour ses nombreuses gaffes. Après le couronnement de sa femme, à propos de l’un des joyaux de la Couronne, il dit à la reine : « Mais où as-tu trouvé ce chapeau ? ». En 1999, il s’adresse à un groupe de jeunes malentendants se tenant juste à côté d’un groupe de percussionnistes très bruyant : « Pas étonnant que vous soyez sourds ! ». En 2002, quand Sa Majesté demande à un jeune soldat blessé aux yeux, par une bombe des nationalistes irlandais, s’il peut malgré tout encore voir, il lance : « Plus beaucoup, à en juger par sa cravate ».
Mais Philip a su aussi faire preuve d’une grande sensibilité après la mort de la princesse Diana en 1997, l’un des moments les plus difficiles du règne d’Elizabeth II. Le prince William, alors âgé de 15 ans, très proche de son grand-père paternel, ne souhaitait pas marcher derrière le cercueil de sa mère lors des funérailles nationales, préférant la pudeur d’un deuil privé. Mais le duc parvient à le convaincre avec cette phrase : « Si tu ne le fais pas, tu le regretteras plus tard. Si je marche avec toi, acceptes-tu de marcher à mes côtés ? »
Quelques mois plus tard, lors d’une cérémonie à l’occasion des noces d’or du couple royal, la reine a rendu hommage au prince Philip : « Il n’accepte pas volontiers les compliments, mais il a été tout simplement pour moi ma force et mon pilier pendant toutes ces années ». Déclaration qu’elle réitérera en 2012, lors de son jubilé de diamant, affirmant avoir trouvé en lui une source de « force constante ».
En 69 ans de règne, et 74 ans de mariage, la reine Elizabeth aura su incarner, en des temps si changeants, un symbole inchangé de la nation britannique. Cette présence rassurante, ce gage de continuité, ce dévouement sans failles en ont fait, aux yeux de certains Britanniques, la plus grande monarque que le Royaume-Uni ait jamais connue. Le « co-auteur de ce succès, c’est le duc d’Édimbourg », estime son biographe, Gyles Brandeth.
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