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Les « murs de la paix » brûlent de nouveau en Irlande du Nord. Depuis le 29 mars, chaque nuit apporte son nouveau lot d’échauffourées et de violence. Onze nuits d’émeutes sporadiques, qui ont démarré à Derry, avant de s’étendre à Belfast et à trois villes voisines (Carrickfergus, Ballymena et Newtownabbey), et qui se déroulent essentiellement dans la communauté unioniste. Des groupes d’adolescents, certains âgés d’une douzaine d’années seulement, armés de briques, de barres de fer et de cocktails Molotov, affrontent des forces de l’ordre retranchées derrière les Land Rover blindées et les canons à eau. Les jeunes assaillants sont généralement quelques dizaines, quelques centaines dans le pire des cas, souvent encouragés et applaudis par les adultes, parfois manipulés par des groupes paramilitaires unionistes.
La nuit du 7 au 8 avril a été la pire jusqu’à présent, quand les affrontements sont sortis des quartiers unionistes (protestants, qui s’identifient comme britanniques) pour se répandre aux républicains (catholiques, qui s’identifient comme irlandais). Dans l’ouest de Belfast, de chaque côté d’un haut mur divisant les deux communautés, quelque six cents jeunes se sont lancé des projectiles pendant plusieurs heures, unionistes d’un côté, républicains de l’autre. Mémoire de la guerre civile larvée qui a fait 3 500 morts en 1969 et 1998, ces murs surmontés de barbelés se terminent par des portes qui sont encore fermées chaque nuit dans certains quartiers, pour éviter les affrontements.
Bilan pour l’instant : une cinquantaine de policiers blessés, des poubelles et des voitures incendiées par dizaines, et un chauffeur de bus miraculeusement indemne après qu’un cocktail Molotov a mis le feu à son véhicule. Ces « pires émeutes depuis des années », selon la police, viennent rappeler à quel point la situation politique demeure inflammable en Irlande du Nord, vingt-trois ans après l’accord du Vendredi saint de 1998, qui avait permis la paix.
Des violences aux multiples ingrédients
L’éruption de violence de ces derniers jours est le résultat d’un cocktail aux multiples ingrédients. Les restrictions liées au Covid-19, dans ces quartiers très pauvres d’Irlande du Nord, en sont un, à l’instar d’autres accès de violence ailleurs en Europe. Les descentes de police ces derniers mois contre des groupes paramilitaires unionistes, qui sont liés à des trafics divers, en sont un autre.
Mais le principal ingrédient de la colère des unionistes vient du Brexit. Depuis le 1er janvier, il existe une frontière commerciale entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord, c’est-à-dire au sein d’un même pays. Si la circulation des personnes est libre, les marchandises sont en revanche contrôlées au niveau des ports, et des déclarations d’exportation doivent être remplies. Pour un unioniste, dont la raison d’être est l’unité du Royaume-Uni, il s’agit d’un cauchemar. L’Angleterre, la « mère patrie », s’est soudain éloignée de l’Irlande du Nord.
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