Sas de décontamination, personnel en combinaison étanche, pièce à l’atmosphère contrôlée: la vigilance est de tous les instants pour les employés du laboratoire BioNTech qui ont démarré la fabrication du précieux vaccin contre le Covid-19 dans une nouvelle usine en Allemagne.
De l’extérieur, l’allure du bâtiment situé dans les faubourgs de Marbourg (centre) est insignifiante.
L’ambiance change dès qu’on pénètre dans l’usine d’où doivent sortir, à terme, un milliard de doses par an. C’est le deuxième site européen à fabriquer le vaccin développé par BioNTech avec son partenaire Pfizer.
Depuis l’homologation de l’unité par l’agence européenne des médicaments (EMA) fin mars, la production tourne jour et nuit, sept jours sur sept, a constaté l’AFP lors d’une visite sur place.
« Il faut vraiment beaucoup de gestes manuels et à peu près 50.000 opérations pour fabriquer une charge » d’acide ribonucléique messager (ARNm), « de laquelle on peut tirer quelque 7 ou 8 millions de doses de vaccin » explique Valeska Schilling, directrice de la production.
Elle se dit « extrêmement fière » de participer à cet effort scientifique.
Pipette de verre en main, revêtue jusqu’à la tête d’une combinaison étanche bleue, une jeune employée procède au mélange de liquides, recueillis dans une poche stérile, qui marque le début de la fabrication d’ARNm, cette technologie qui permet de dicter à nos cellules ce qu’il faut fabriquer pour lutter contre le coronavirus.
– « Photocopie » –
Cette étape de « transcription in-vitro » est « la plus compliquée d’un point de vue technologique », note Mme Schilling. Elle tient plus de l’artisanat de pointe que de la production à la chaîne.
La responsable compare l’opération à « faire la photocopie d’un livre ». Des enzymes permettent de générer à partir d’une seule molécule d’ADN jusqu’à 500 « copies » – des molécules d’ARNm chargées de transmettre l’information nécessaire.
Ces instructions génétiques pénètrent directement les cellules humaines, qu’elles programment pour qu’elles fabriquent un antigène du coronavirus… afin de déclencher une réponse du système immunitaire.
Il faut compter un à deux jours pour la fabrication de l’ARNm et cinq à six jours au total pour une charge de vaccin, qui sera ensuite transportée dans d’autres usines pour la mise en flacons, réalisée sur d’autres sites.
Car après la réaction pour produire l’ARN, la « charge » de 35 litres de liquide obtenu du bioréacteur doit être purifiée: les enzymes ainsi que l’ADN ayant servi à la fabrication sont retirés, avant une ultime filtration pour exclure tout résidu.
Troisième et dernière étape clé réalisée à Marbourg, l’ARNm est enveloppé de lipides, pour empêcher sa dégradation et lui permettre d’atteindre les cellules visées.
Le plus long de toute la chaîne: plusieurs tests pour s’assurer de la qualité du vaccin, efficace à près de 95% contre le Covid-19, selon les études cliniques.
– Prix Nobel –
De premières doses fabriquées par les 400 employés de Marbourg ont été livrées en France mardi en vrac à Delpharm, sous-traitant français chargé de l’étape finale : les mettre dans les flacons qui seront in fine distribués aux vaccinateurs.
BioNTech a annoncé vouloir produire cette année jusqu’à 2,5 milliards de doses du vaccin dans le monde, soit 25% de plus que prévu initialement.
Avec l’entreprise américaine Moderna, l’alliance Pfizer/BioNTech a été la première à mettre sur le marché un vaccin utilisant le procédé pionnier de l’ARN messager.
Pour Marbourg, accueillir l’usine de la start-up allemande s’inscrit dans une longue histoire d’innovation médicale, lancée en 1890 par le premier lauréat du Nobel de médecine, Emil von Behring, qui dans cette ville du Land de Hesse a mis au point le vaccin contre la diphtérie.
C’est même sur le site de l’ancienne entreprise pharmaceutique « Berhingwerke », productrice de vaccins, qu’est aujourd’hui installée l’usine de la start-up fondée par le couple Özlem Türeci et Ugur Sahin. BioNTech a racheté le site l’été dernier au groupe pharmaceutique suisse Novartis.
Le réaménagement de l’usine s’est déroulé dans un délai record : « c’est fantastique ce que nous avons atteint en si peu de temps », constate Mme Schilling.
Mais Marbourg, où se trouve un laboratoire hyper sécurisé pour étudier les maladies graves et contagieuses, a également connu la terreur d’une épidémie: en 1967, elle a été touchée par un agent pathogène de type d’Ebola alors inconnu, et désormais nommé « Virus de Marbourg ». Endémique dans plusieurs pays d’Afrique, aucun vaccin n’a encore été trouvé.
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