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Comment les enquêteurs français traquent bourreaux et criminels de guerre

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Par Benoît Hopquin

Publié aujourd’hui à 03h53, mis à jour à 05h47

Le 16 mai 2020, à 6 h 20 du matin, un peloton d’intervention de la garde républicaine fracture l’entrée d’un appartement situé au troisième étage du 97, rue du Révérend-Père-Christian-Gilbert, à Asnières (Hauts-de-Seine). Les gendarmes sécurisent le deux-pièces et interpellent dans le salon un premier homme, Donatien Nshima, un Rwandais résidant habituellement en Belgique mais dont la présence sur les lieux était connue grâce à ses appels téléphoniques. Un autre homme est allongé dans la chambre. « C’est mon père », répond Nshima au gendarme qui l’interroge sur son identité.

Du palier où elle s’impatiente, l’adjudante Estelle entend la phrase. La gendarme de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCH) sait alors qu’elle a gagné. Elle se précipite dans la chambre et découvre un vieil homme encore dans son lit. Il est amaigri, les traits tirés, mais l’enquêtrice reconnaîtrait entre mille ce visage, depuis le temps que son portrait trône sur le mur au-dessus de son bureau, avec cette mention : « Wanted for Rwandan Genocide ».

La ruse ou la force

C’est bien lui, Félicien Kabuga, 85 ans, financier et organisateur du massacre des Tutsi, entre avril et juillet 1994. Lui, le patron de Radio-Télévision libre des Mille Collines, la sinistre antenne qui abreuvait les génocidaires d’appels à « tuer tous les cafards ». Lui, l’homme qui avait fourni 25 tonnes de machettes chinoises aux milices extrémistes hutu, afin qu’elles accomplissent leur abominable besogne.

L’homme dans l’appartement a cette longue cicatrice au cou, près de l’oreille droite, séquelle d’une opération contre une tumeur bénigne à la gorge, effectuée en Allemagne en 2007. C’était juste avant que le fugitif, objet d’une notice rouge d’Interpol depuis 2001, n’échappe à une perquisition de la police outre-Rhin, tandis que son gendre faisait diversion.

Il glissait ainsi une énième fois entre les mains de ceux qui le poursuivaient depuis vingt-cinq ans, de la Suisse à la République démocratique du Congo. Au Kenya, où il était protégé au plus haut niveau de l’Etat, le journaliste William Munuhe, qui l’avait approché de trop près, avait été assassiné dans des conditions mystérieuses en 2003. Le FBI a alors promis pour sa capture une récompense de 5 millions de dollars, en vain.

Par la ruse ou la force, Félicien Kabuga s’est tiré de tous les guets-apens. Jusqu’à ce que s’achève sa cavale, dans cet appartement de la région parisienne. Ce 16 mai 2020, malgré l’aveu de son fils, le fugitif s’accroche encore à son faux passeport congolais et à un faux nom, Antoine Tounga, dernier des quelque 25 alias qu’il a utilisés durant sa cavale. Puis, vers 9 heures, il avoue du bout des lèvres sa véritable identité, que les tests ADN ne feront que corroborer.

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