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A l’heure où le nouveau gouvernement libyen baigne dans une douce euphorie diplomatique – illustrée par un intense calendrier de visites de dignitaires étrangers à Tripoli –, la nécessité de trouver un point d’équilibre entre la Turquie et la Grèce s’annonce déjà comme l’un de ses défis les plus aigus en politique étrangère. Le déplacement qu’a effectué mardi 6 avril le premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, dans la capitale libyenne a démontré toute la difficulté de la tâche.
« Que ceux qui ont essayé de remettre en question nos relations dans le passé restent en retrait », a lancé M. Mitsotakis lors de sa rencontre avec son homologue libyen, Abdelhamid Dbeibah, nommé en février à la tête d’un nouveau gouvernement d’« unité nationale » (GUN) réunifiant – pour la première fois depuis 2014 – la Tripolitaine (Ouest) et la Cyrénaïque (Est), dont l’affrontement avait plongé le pays dans la guerre civile. Ceux que M. Mitsotakis appelle à « rester en retrait » ne sont autres que les Turcs. Et la tâche s’annonce ardue, alors qu’Ankara s’est taillé une véritable sphère d’influence en Tripolitaine à la faveur de la « bataille de Tripoli » (avril 2019-juin 2020).
A l’époque, le soutien militaire déployé par les Turcs en faveur du gouvernement d’« accord national » (GAN) de Faïez Sarraj – de facto abandonné par la communauté internationale qui l’avait pourtant installé au pouvoir en 2016 – avait permis de bouter hors de la Libye occidentale les forces assaillantes du maréchal Khalifa Haftar.
En échange de cet appui vital pour le GAN, M. Sarraj avait dû signer avec le président turc, Recep Tayyip Erdogan, un accord de délimitation des frontières maritimes qui avait attisé la crise en Méditerranée orientale. Le gouvernement grec avait dénoncé un accord qui « supprime entièrement de la carte certaines îles grecques », notamment la Crète, Karpathos, Rhodes ou Kastellorizo. Il avait orchestré une riposte diplomatique en signant notamment dans la foulée un accord pour la construction du gazoduc EastMed avec Israël et Chypre, destiné à acheminer le gaz méditerranéen vers l’Europe. A l’été 2020, Ankara et Athènes connaissaient une des pires crises de leur histoire avec l’envoi d’un navire de prospection sismique, l’Oruç-Reis, et de bâtiments de guerre turcs dans des zones disputées par les deux pays, proches de l’île grecque de Kastellorizo.
« Effacer les erreurs »
Que va devenir le fameux accord maritime signé entre Tripoli et Ankara dans le nouveau contexte libyen marqué par l’effort de réconciliation entre anciens belligérants ? Logiquement, Athènes réclame sa résiliation. Appelant à « corriger et effacer les erreurs commises durant la phase précédente », M. Mitsotakis a demandé à Tripoli « l’annulation des documents illégaux présentés comme des accords entre Etats alors qu’ils n’ont aucune valeur juridique ». Il a également rappelé qu’Athènes et Rome avaient, de leur côté, récemment signé un accord de délimitation de leurs frontières maritimes et a invité Tripoli à suivre la même voie en acceptant de « reprendre les discussions sur le sujet arrêtées depuis 2010 ».
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