En écoutant la radio le 22 mars dernier, le maire de Sceaux, Philippe Laurent, a sursauté. Le gouvernement vient d’annoncer l’ouverture d’une centaine de méga-centres de vaccination qui pourront injecter de 1.000 à 2.000 doses par jour avec parfois le soutien de l’armée et des pompiers. « Mais les vaccinodromes existent déjà !, s’exclame l’élu. Vous n’avez qu’à venir dans ma commune. » Installé dans une salle municipale, le centre de vaccination commun aux villes de Sceaux, Antony et Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine) tourne en effet depuis début mars et a, en théorie, la capacité de vacciner quelque 4.000 personnes par semaine en étant ouvert de 8h à 20h, sept jours sur sept.
Le problème, c’est qu’à peine 1.000 doses sont livrées chaque semaine et que les trois communes ont dû revoir à la baisse les horaires d’ouverture. « Nous n’allions pas mobiliser une quarantaine de personnes à temps plein pour un centre qui tourne au ralenti, maugrée l’élu. D’autant que l’Etat demeure encore flou sur l’aide qu’il nous apportera pour financer un centre qui nous revient à 125.000 euros par mois. »
294 millions de doses
Si la France peut être brocardée sur la lenteur de sa campagne vaccinale, personne ne peut pourtant l’accuser de lésiner sur les moyens. Alors que le gouvernement tablait
Au total, le prix moyen par dose payé par la France avoisinerait donc 12 euros en 2021 et le pays disposerait de quoi vacciner plus de deux fois sa population, en comptabilisant deux injections par personne. « Cela peut sembler surdimensionné, mais personne ne pouvait prévoir il y a six mois que tous les projets des laboratoires aboutiraient, décrypte un conseiller de la ministre déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier Runacher, chargé des achats de vaccins, et l’Union européenne avait anticipé dès le départ qu’une partie de ces commandes irait vers les pays pauvres. »
Le coût de la campagne sous-évalué
Une fois les achats de vaccins réalisés, encore faut-il les acheminer, les stocker et les injecter. Pour la campagne vaccinale en tant que telle, le gouvernement avance le chiffre officiel de 1,5 milliard d’euros. Mais, officieusement, « nous savons déjà que cette somme sera insuffisante », glisse un conseiller du ministre de la Santé, Olivier Véran. Les tarifs fixés par l’Assurance maladie pour rémunérer les professionnels de santé laissent en effet présager un dépassement de l’enveloppe initiale. Un médecin généraliste perçoit 45,40 euros pour effectuer deux injections à un patient et un pharmacien 26,60 euros. Soit une facture potentielle de plus de 3 milliards si les 67 millions de Français passaient par leur toubib et de 1,8 milliard s’ils optaient pour les officines.
Dans les centres de vaccination, a priori moins chers, les coûts pour la Sécurité sociale varient de 22 à 42 euros pour deux injections, selon que les personnels soient hospitaliers ou libéraux, médecins ou infirmiers et qu’ils opèrent en semaine ou le week-end. Mais, là encore, le plafond paraît faible. D’autant qu’à la rétribution des soignants, il faut ajouter les coûts de logistique, de personnels administratifs et les dépenses de communication. En 2010, lors de la campagne vaccinale contre la grippe H1N1, ces postes avaient représenté 176 millions d’euros pour… 5,3 millions de Français vaccinés, selon la Cour des comptes.
« La France perd 2 milliards par semaine »
Pourtant, quelle que soit l’ampleur de la valse des milliards, la campagne de vaccination sera rentable, martèlent les économistes. « A l’heure actuelle, la richesse nationale créée est inférieure d’environ 5% à ce qu’elle serait si l’activité reprenait normalement, calcule Philippe Martin, le président du Conseil d’analyse économique, le groupe d’économistes placé auprès du Premier ministre. Autrement dit, chaque semaine où l’économie ne peut pas repartir à cause du retard de la vaccination, la France perd 2 milliards ! »
Dès lors, le coût des vaccins sera vite amorti. Y compris pour les caisses publiques puisqu’avec un taux de prélèvements obligatoires atteignant les 45% du PIB, une augmentation de la richesse de 2 milliards génère mécaniquement 900 millions de recettes. Sans compter les aides publiques que l’Etat n’aurait plus à verser. « C’est pour cette raison que le débat autour du prix des vaccins n’a pas de sens économiquement, relève Guillaume Dedet, économiste à l’OCDE, et que les pays qui ont choisi d’investir massivement ont vu juste. » Interviewé par la télévision grecque le 24 mars, Emmanuel Macron a d’ailleurs reconnu que l’Union européenne avait sans doute manqué d’ambition en la matière. « Les Américains ont eu un mérite dès l’été 2020, ils ont dit: on met le paquet et on y va, a-t-il déclaré. Et donc ils ont plus de vaccins. » Même le « quoi qu’il en coûte » mérite d’être ciblé.
]
L’article La France paie 12 euros la dose de vaccin… et c’est ultra-rentable! est apparu en premier sur zimo news.