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Le plan d’investissement dans les infrastructures présenté, mercredi, par le président américain, Joe Biden, peut s’apparenter à un discours de politique générale qui va bien au-delà du plan de relance par l’investissement classique.
Le plan d’investissement de deux mille milliards de dollars dans les infrastructures présenté, mercredi 31 mars, par le président américain, Joe Biden, n’est pas qu’une méthodologie en vue de construire des routes, rénover des ponts et changer des conduits d’eau. Le tout en échange de hausses d’impôts qui sont restées en travers de la gorge des républicains.
Il repose sur deux piliers très politiques : la lutte contre le réchauffement climatique et la lutte contre les inégalités. De quoi en faire un outil qui va bien au-delà des plans de relance économique classiques par l’investissement
Climat et inégalités, les deux mamelles du plan d’infrastructures
Concrètement, Joe Biden ambitionne d’investir plus de 1 000 milliards de dollars sur huit ans dans des mesures visant à faire baisser les émissions américaines de gaz à effet de serre. “C’est plus que le montant global du plan de relance de Barack Obama après la crise financière de 2008”, souligne le site d’informations Vox.
Le plan mise notamment sur un important coup d’accélérateur dans le développement de la filière des véhicules électriques avec une enveloppe de 176 milliards de dollars pour “décarboner” l’industrie automobile.
Le président propose également d’investir 100 milliards de dollars pour rendre le réseau énergétique plus résistant aux événements climatiques extrêmes, devenus plus fréquents. Ou encore d’augmenter de 50 milliards de dollars le budget alloué à la recherche consacrée aux énergies renouvelables.
Du côté de la lutte contre les inégalités, ce sont plusieurs centaines de milliards de dollars qui sont réservés à des projets d’infrastructures destinés à améliorer le quotidien des minorités et des classes défavorisées. L’administration Biden entend, par exemple, allouer 20 milliards de dollars à l’amélioration des axes routiers qui mènent aux quartiers délaissés, ou encore rénover des conduits d’eau, trop souvent encore faits de plomb, pour que les communautés qui n’ont pas les moyens de s’en procurer au supermarché puissent avoir accès à une eau réellement potable.
Il y a aussi des propositions qui devraient profiter aux minorités sans en avoir l’air. C’est le cas, notamment, des aides prévues pour le personnel des maisons de retraites “qui sont très majoritairement des femmes afro-américaines”, souligne le New York Times.
“Un acte fondateur”
Mais au-delà de l’inventaire à la Prévert des mesures qu’il comprend, ce plan marque surtout une rupture dans la philosophie des grands chantiers d’infrastructures aux États-Unis. L’environnement n’a jamais été une priorité dans ce type de programmes, bien au contraire : ils aboutissaient, souvent, à bétonner un peu plus le paysage.
Les précédents plans des années 1960 et 1990 “ont plutôt contribué à accentuer les inégalités”, rappelle le New York Times. La philosophie générale était qu’il fallait avant tout relier les “suburbia”, ces petites banlieues pavillonnaires très prisées par la classe moyenne blanche, aux zones d’emplois et leur fournir toutes les infrastructures nécessaires. De ce fait, “ces programmes ne faisaient qu’accentuer l’isolement social et professionnel des poches d’habitations des minorités”, rappelle le New York Times.
En ce sens, “ce plan illustre vraiment ce rôle de ‘pont’ entre le monde d’avant et celui de demain que Joe Biden veut incarner”, affirme Jean-Éric Branaa, spécialiste des États-Unis à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas et auteur d’une biographie du nouveau président américain, contacté par France 24.
Pour cet expert, on aurait aussi tort de voir ce programme comme un catalogue de dépenses divisées en plusieurs catégories – construction, climat, lutte contre les inégalités – séparées. Ce document refléterait “la conviction du président que les minorités sont les premières victimes du réchauffement climatique et qu’en réduisant l’empreinte carbone des États-Unis, on agit aussi en faveur des exclus”, décrypte Jean-Éric Branaa.
Une philosophie qui transparaît dans certaines mesures, comme l’enveloppe de plusieurs centaines de millions de dollars alloués à la rénovation des transports en commun pour les rendre moins polluants. Les bus en centre-ville aux États-Unis demeurent encore largement utilisés en priorité par les populations les moins aisés.
Plus qu’un plan de relance, c’est donc une ébauche de projet de société que Joe Biden a mis sur la table. “C’est l’acte fondateur de son mandat, l’équivalent d’un discours de politique générale pour construire ce que Joe Biden appellerait une Amérique ‘bienveillante’ en rupture avec les discours de division qui ont marqué la présidence Trump”, résume Jean-Éric Branaa.
Des défis politiques
Mais en mettant autant d’œufs dans le même panier, Joe Biden prête davantage le flanc aux critiques de toute part et risque ainsi d’avoir plus de mal à faire passer son plan au Congrès.
L’aile gauche du Parti démocrate a, ainsi, commencé à donner de la voix en comparant ce catalogue de mesures à un “Green new deal” au rabais. Alexandria Ocasio-Cortez, la très populaire élue démocrate à l’origine du projet d’un grand plan de relance “verte”, a dénoncé, sur Twitter, un plan d’infrastructure “très loin d’être suffisant” pour lutter contre le réchauffement climatique. “Les priorités sont les bonnes, mais ce ne peut être que la première pierre et il faut demander bien plus”, a déclaré au site Vox Varshini Prakash, le fondateur du Sunrise Movement, une association très engagée dans la lutte contre le réchauffement climatique qui a gagné en influence au sein du Parti démocrate.
De l’autre côté de l’échiquier politique, les conservateurs se sont rués sur les mesures de lutte contre les inégalités. Le Comité national du Parti républicain a ainsi déploré, dans un communiqué de presse, “les centaines de milliards de dollars réservés à des politiques gauchistes” au détriment de la rénovation d’infrastructures traditionnelles comme les autoroutes et les ponts.
La classe politique américaine n’est peut-être pas encore prête à embrasser sans broncher la vision idéalisée de l’Amérique de demain défendue par Joe Biden dans son plan de relance. Et les débats au Congrès risquent d’être plus sanglants que « bienveillants ».
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