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DécryptagesDepuis sa victoire dans le Haut-Karabakh, le président d’Azerbaïdjan Ilham Aliev développe une rhétorique religieuse.
Un soldat azerbaïdjanais hurlant « Allah est le plus grand ! » juché sur une chapelle arménienne tout juste capturée dans le Haut-Karabakh ; un président azerbaïdjanais remerciant « Allah de m’avoir donné la force de libérer nos terres des occupants » et pestant contre les « dirigeants de certains pays occidentaux qui enflamment les sentiments islamophobes ». Ces séquences emblématiques semblent s’emboîter logiquement dans un récit inscrivant la guerre du Haut-Karabakh dans une « guerre de civilisation » opposant islam et chrétienté, cette dernière incarnée par l’Arménie vaincue.
Pourtant, nombreux sont ceux qui, en Azerbaïdjan, ont tressailli en découvrant la nouvelle rhétorique islamique d’Ilham Aliev. Jusqu’ici, le régime vantait son modèle de multiculturalisme et de coexistence pacifique entre musulmans (70 % chiites, 30 % sunnites), chrétiens et juifs. L’autoritaire président, installé au pouvoir par son père, Heydar Aliev, en 2003, était aussi connu pour ses goûts de luxe que pour la distance qu’il mettait entre lui et la religion.
Pour le spécialiste azerbaïdjanais de l’islam politique Altay Goyushov, il s’agit de « gestes symboliques, produits d’une politique gouvernementale calculée. Les autorités azerbaïdjanaises ont saisi l’opportunité fournie par la guerre pour accélérer la domestication de l’islam ».
Contrairement aux apparences, l’objectif n’est pas, loin s’en faut, de mobiliser une population dans son immense majorité favorable à la reconquête du Haut-Karabakh. D’autant que la rhétorique islamique du président Aliev s’est véritablement installée deux mois après la fin de la guerre, alors qu’il visitait pour la première fois la ville reconquise de Choucha (Chouchi pour les Arméniens).
Durant les trois décennies entre le premier et le second conflit du Karabakh, le discours va-t-en-guerre prônant un « djihad » pour la « reconquête des terres occupées par les Arméniens » était le cheval de bataille des partisans de l’islam politique contre le régime Aliev. Les représentants de l’islam officiel, lorsqu’ils évoquaient cette thématique, reprenaient prudemment, pour leur part, les éléments de langage du pouvoir.
« L’activisme islamiste – en particulier chiite – a toujours été en opposition avec le régime autoritaire laïque azerbaïdjanais – qui par nature ne tolère pas d’activités indépendantes et vise à contrôler et orienter toute discussion publique dans le pays, analyse M. Goyushov. La guerre a fourni l’occasion au pouvoir de reprendre à son compte le discours religieux des islamistes. »
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