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Au lendemain d’une sévère mise en garde de l’émissaire des Nations unies contre un risque de « guerre civile » et de « bain de sang imminent » en Birmanie, l’ex-dirigeante birmane détenue depuis le coup d’Etat militaire du 1er février s’est présentée, jeudi 1er avril, devant la justice. Aung San Suu Kyi, 75 ans, a comparu en visioconférence devant un tribunal de Naypyidaw (la capitale) pour une audience portant sur des questions administratives comme la désignation officielle des huit avocats de son équipe de défense.
Elle paraissait en « bonne condition physique », a dit l’un d’entre eux. Elle était « brillante et charmante comme toujours », a commenté l’avocat Khin Maung Zaw. Son équipe de défense l’avait vue la veille par vidéo et sous surveillance policière pour la première fois depuis le putsch. « Elle a demandé une rencontre entre elle et ses avocats – une réunion privée pour donner ses instructions à sa défense et discuter de l’affaire sans ingérences extérieures de la police ou des forces armées », a-t-il ajouté.
La prochaine audience est fixée au 12 avril. La lauréate du prix Nobel de la paix 1991 est poursuivie pour quatre chefs, dont « incitation aux troubles publics ». Des accusations d’avoir perçu plus d’un million de dollars et onze kilos d’or de pots-de-vin s’y ajoutent, mais elle n’a pas encore été inculpée de « corruption ». Elle encourt de longues années de prison, risquant d’être bannie de la vie politique.
Autodafé de la Constitution
Des députés de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), ont annoncé, mercredi, la formation pendant la première semaine d’avril d’« un nouveau gouvernement civil » de résistance. Dans la clandestinité depuis le coup d’Etat, ils ont aussi annoncé que la Constitution de 2008 rédigée par le régime militaire précédent était « annulée ».
Jeudi, des protestataires ont brûlé une pile de copies du texte dans une rue de Rangoun, la capitale économique, où deux supermarchés appartenant à l’armée ont été incendiés dans la nuit. Un manifestant, âgé de 31 ans, a été tué à Monywa (centre) et dix autres blessés, a dit un secouriste à l’Agence France-Presse. Des veillées à la bougie et des prières silencieuses se sont déroulées à la mémoire des « martyrs » morts ces deux derniers mois et des manifestants ont défilé à Rangoun avec des « larmes de sang » peintes sur le visage. Des dizaines de milliers de fonctionnaires et de salariés du privé sont toujours en grève.
La Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a accusé les forces de sécurité de s’en prendre aux secouristes. « Des médecins et des secouristes de la Croix-Rouge en Birmanie ont été arrêtés de façon injustifiée, intimidés ou blessés et des biens et des ambulances de la Croix-Rouge ont été endommagés. C’est inacceptable », a déclaré le directeur régional de l’organisation pour l’Asie-Pacifique, Alexander Matheou.
Plus de 535 personnes, dont de nombreux étudiants, adolescents et jeunes enfants, ont été tuées par les forces de sécurité en deux mois, selon l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP). Des centaines d’autres, détenues au secret, sont portées disparues.
Divisions au Conseil de sécurité
Au cours d’une réunion d’urgence à huis clos, mercredi, du Conseil de sécurité de l’ONU, demandée par Londres, l’émissaire de l’ONU pour la Birmanie, Christine Schraner Burgener, a mis en garde contre « un risque de guerre civile à un niveau sans précédent », exhortant à « envisager tous les moyens à sa disposition pour (…) éviter une catastrophe multidimensionnelle au cœur de l’Asie ».
Mais ses quinze membres restent divisés. Si Washington et Londres ont défendu la mise en œuvre de sanctions par l’ONU, Pékin, un allié traditionnel de l’armée birmane, a fermement rejeté cette idée, tout en appelant à « revenir à une transition démocratique ». Le Royaume-Uni a sanctionné, jeudi, un deuxième conglomérat lié à l’armée, Myanmar Economic Corporation (MEC), une semaine après des sanctions communes avec Washington ayant visé Myanmar Economic Holdings Ltd (MEHL).
Les violences contre les civils ont déclenché la colère parmi la vingtaine de factions ethniques rebelles que compte la Birmanie. Certaines ont lancé des attaques contre la police et l’armée, cette dernière ayant riposté par des raids aériens. L’armée avait conclu, ces dernières années, un cessez-le-feu avec plusieurs de ces groupes luttant contre le gouvernement depuis l’indépendance en 1948 mais, depuis le putsch, quelques-uns d’entre eux ont apporté leur soutien au soulèvement populaire et repris les armes ou menacé de le faire.
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