Après cinq jours d’un procès fleuve parfois houleux, le parquet requiert mardi dans le dossier Ikea France, accusé d’avoir espionné salariés et clients, un moment très attendu par les quelque 120 parties civiles qui ont réclamé des millions d’euros de dommages et d’intérêts.
Ikea France, poursuivi comme personne morale, encourt jusqu’à 3,75 millions euros d’amende.
Révélée en 2012 par la presse, cette affaire dite d’espionnage avait contraint la filiale française au licenciement de quatre responsables.
Ces pratiques de surveillance sont « en opposition avec les valeurs d’Ikea », a déclaré devant le tribunal Karine Havas, représentante légale d’Ikea France et actuelle directrice financière.
Depuis le 22 mars, deux anciens PDG d’Ikea France, des directeurs de magasins mais aussi des fonctionnaires de police et le patron d’une société d’investigations privée se sont succédé à la barre.
Ils se sont renvoyé la responsabilité des accusations, à savoir collecte et divulgation illicite d’informations personnelles, violation du secret professionnel ou encore recel de ces délits, ce qui expose certains d’entre eux à une peine maximale de dix ans d’emprisonnement.
L’instruction a révélé un système de surveillance, des salariés et même parfois des clients, bien rôdé; des antécédents judiciaires au train de vie en passant par le patrimoine.
Si les prévenus comparaissent pour des faits commis entre 2009 et 2012, ces pratiques illégales remontaient au début des années 2000, selon l’accusation.
– « Contrôles de masse »
L’ancien « Monsieur sécurité » d’Ikea France, Jean-François Paris, a décrit des « contrôles de masse » de salariés, dont des syndicalistes.
A la barre, il a répété avoir suivi une consigne formulée en 2007 par l’ex-PDG Jean-Louis Baillot, des dires formellement contestés par l’intéressé. « Jean-François Paris avait toute autonomie pour travailler, il n’avait pas à me rendre des comptes », a insisté M. Baillot.
Son successeur à la tête d’Ikea France en 2010, Stefan Vanoverbeke, également jugé, s’est dit « choqué » de ces pratiques de surveillance, y voyant des « initiatives isolées » mais pas une « politique d’Ikea ».
Directeur de la gestion des risques d’Ikea France de 2002 à 2012, Jean-François Paris transmettait des listes de personnes « à tester » à Eirpace, dirigée par Jean-Pierre Fourès.
Le patron de cette entreprise spécialisée « en conseil des affaires » est notamment accusé d’avoir, par l’entremise de policiers, eu recours au STIC, le Système de traitement des infractions constatées, ce dont il s’est défendu.
Cet ancien des Renseignements généraux (RG) a ainsi provoqué l’hilarité de la salle lors de son interrogatoire, expliquant avoir usé « d’imagination et ingéniosité » pour se renseigner, via des enquêtes de voisinage et une utilisation idoine de Google.
Un des policiers mis en cause a pour sa part assuré n’avoir consulté le STIC au sujet d’employés d’Ikea « que dans le cadre de procédures », des enquêtes pour « vols pour escroquerie », dont les enquêteurs n’ont cependant jamais trouvé trace.
Lors de leurs plaidoiries lundi, les avocats des parties civiles ont demandé un « jugement exemplaire » de l’enseigne ainsi que des millions d’euros de dommages et intérêts; dont deux millions pour Force Ouvrière (FO).
Le procès se poursuivra avec les plaidoiries de la défense dès mardi après-midi.
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