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Le général Jean Varret : le rapport Duclert sur le Rwanda permet de « sortir de vingt-six ans de débats stériles »

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Vincent Duclert (droite) remet son rapport sur le rôle de la France dans le génocide rwandais à Emmanuel Macron, à l’Elysée, à Paris, le 26 mars. Vincent Duclert (droite) remet son rapport sur le rôle de la France dans le génocide rwandais à Emmanuel Macron, à l’Elysée, à Paris, le 26 mars.

En octobre 1990, les forces du Front patriotique rwandais (FPR) lancent une offensive contre le régime de Juvénal Habyarimana, précipitant l’engagement militaire de la France aux côtés des Hutu. Le général Jean Varret est alors le chef de la Mission militaire de coopération (MMC), qui a autorité sur les soldats déployés dans 28 pays, surtout en Afrique. Dans son rapport sur les responsabilités de la France entre 1990 et 1994, remis à Emmanuel Macron le 26 mars, la Commission Duclert a souligné la solitude du général Varret, son refus de la grille idéologique alors imposée par l’Elysée, qui lui vaut d’être marginalisé puis écarté. Dans un entretien au Monde, il détaille son expérience de l’époque.

Quel a été votre sentiment premier à la lecture du rapport Duclert ?

Un profond soulagement. Enfin, voici des écrits rigoureux, basés sur des pierres solides. Ils permettent de sortir de vingt-six ans de débats stériles, reposant sur des témoignages discutables, empêchant de voir la réalité. Elle était la suivante : autour du chef des armées, soit le président de la République, il y avait un personnel politique et militaire qui estimait que Mitterrand avait raison. Que le Rwanda était un problème international pour la France. Que les pays francophones devaient le rester à tout prix, et ne pas basculer dans le monde anglo-saxon.

Les 13 et 14 décembre 1990, vous effectuez votre première mission à Kigali, où vous rencontrez, outre le président rwandais, de hauts responsables de la défense…

J’ai préparé ce déplacement au travers d’échanges avec notre attaché militaire sur place, le colonel René Galinié. Je me demandais s’il avait raison, en affirmant que l’offensive du FPR n’était nullement une agression extérieure, comme on l’expliquait à Paris. Lui a tout de suite dit que c’était une affaire intérieure rwandaise, et non une guerre venant de l’Ouganda. Il avait un réseau dense de contacts, dans les villages, chez les anciens, les prêtres, dans les deux ethnies. Il avait les réflexes de la gendarmerie en matière de renseignement.

J’ai rencontré le colonel Serubuga, chef d’état-major adjoint de l’armée, et son homologue de la gendarmerie, le colonel Rwagafilita. On essayait d’apprendre à leur gendarmerie à se comporter en force de maintien de l’ordre. Eux réclamaient des mitrailleuses et des mortiers ! Evidemment, j’ai dit non. Le colonel Rwagafilita m’a alors proposé un tête-à-tête. Il m’a dit : « Je vais vous dire la raison de ma demande. La gendarmerie va participer avec l’armée à la résolution du problème tutsi. » « A la lutte contre le FPR ? », ai-je demandé. « Non, on va liquider tous les Tutsi sur le territoire rwandais. » Il a ajouté : « Ils ne sont pas nombreux, ça ira vite. » Je suis ensuite retourné voir le président Habyarimana pour lui rapporter ces propos. Il a répondu : « Il a dit ça, ce con-là ? Je vais le vider. » J’ai fait un compte rendu précis au ministre de la coopération, avec copie au chef d’état-major de l’armée, qui était l’amiral Lanxade. Aucun retour. Comme le souligne la commission Duclert, aucune trace de mon document ne figure dans les archives.

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