France World

Israël : Benyamin Nétanyahou, caporal d’un Likoud paralysé

https://img.lemde.fr/2021/03/29/415/0/4477/2235/1440/720/60/0/024fa7e_203570619-604800.jpg

Editorial du « Monde ». Le miracle vaccinal n’a pas suffi. Benyamin Nétanyahou a mené en Israël la campagne de vaccination la plus rapide au monde – il a rouvert le pays deux semaines avant les élections législatives du 23 mars. Les Israéliens lui en sont largement reconnaissants, mais rien n’y fait : le premier ministre n’a toujours pas de majorité.

Au fil de quatre scrutins depuis deux ans, Israël est demeuré divisé par le milieu, incapable de former un gouvernement durable. Les Israéliens en ont assez de voir l’Etat naviguer à vue, sans budget, soumis à une campagne électorale sans fin. A 71 ans, M. Nétanyahou reste le dirigeant le plus reconnu et le plus apprécié dans le pays, qu’il gouverne depuis douze ans sans discontinuer. Mais sa propension à attiser les divisions de la population et son exercice du pouvoir de plus en plus solitaire lassent.

Son parti, le Likoud, a perdu six sièges à la Knesset depuis le dernier scrutin, en septembre 2020. Il en compte désormais 30 sur 120. Il manque deux sièges au « bloc » de partis de droite et religieux en mesure de le soutenir (59 sièges). Face à lui, les formations qui pourraient lui faire barrage auront peine à s’entendre. De la gauche à l’extrême droite et aux partis arabes, les écarts idéologiques sont immenses.

Dans une démocratie fonctionnelle, un parti de gouvernement dont le chef échoue quatre fois de suite dans les urnes l’inviterait à laisser la place. Le Likoud enjoindrait à M. Nétanyahou d’affronter en simple justiciable son procès pour fraude et corruption, dont les phases d’audience s’ouvrent début avril. Sans lui, le Likoud pourrait former une coalition en vingt-quatre heures.

Mais la grande formation de la droite israélienne a perdu la tradition de démocratie interne qui fit longtemps sa fierté. Elle s’est caporalisée. Elle use la confiance des Israéliens dans leurs institutions en dénonçant un « complot » des enquêteurs de police, des juges, de la gauche et des médias pour faire tomber son chef. Les voix dissonantes n’ont plus place dans le parti : elles ont claqué la porte une à une.

Longues tractations

Cette paralysie a convenu durant deux ans à M. Nétanyahou, qui demeure au pouvoir en cédant aux exigences des ultraorthodoxes, afin de préserver leur loyauté. Comptant chaque vote avant le scrutin du 23 mars, il a poussé ses alliés de l’extrême droite religieuse à intégrer dans leurs rangs des suprémacistes juifs, racistes, homophobes, qui ne font pas mystère de leur mépris pour l’Etat.

Ce « bloc » est dangereux pour les institutions démocratiques : il promet de réformer l’appareil judiciaire et de réduire le pouvoir de la Cour suprême, afin qu’elle cesse de faire obstacle à la volonté du « peuple » telle que l’exprime le Parlement. Il entend réduire ses réticences à avaliser les désirs des colons en Cisjordanie occupée. Au passage, il pourrait offrir à M. Nétanyahou une immunité face à son procès.

Au lendemain de la Pâque juive, Israël se prépare de nouveau à de longues tractations. Les petits partis font valoir leurs exigences. La chasse aux « défecteurs » est ouverte, sous la menace d’un cinquième scrutin. M. Nétanyahou pourrait s’allier une petite formation islamiste, pragmatique, qui cherche à briser le plafond de verre sous lequel demeurent les formations représentant les citoyens arabes d’Israël (20 % de la population).

En septembre 2020, l’opposition n’avait pas osé franchir un tel pas : elle avait refusé de s’associer aux partis arabes progressistes. Mais, aujourd’hui encore, M. Nétanyahou reste seul capable de faire accepter les transgressions politiques en Israël.

Le Monde

Source

L’article Israël : Benyamin Nétanyahou, caporal d’un Likoud paralysé est apparu en premier sur zimo news.